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Articles sur Montherlant (hors presse)

122. Les étoiles l’attendaient, par Henry de Montherlant, ou le dernier adieu à Jean Cocteau

 
 

Jean Cocteau (1889-1963)

(Extrait de Cocteau, Dossier de L’Herne, page 509, Cahiers de l’Herne, 2016)

Il appartient à Henry de Montherlant d’avoir rendu à Cocteau un des plus beaux hommages funèbres publiés dans la presse après l’annonce de sa mort, le 11 octobre 1963. Il n’était pas de ses intimes, tout au plus de ses relations et de ses correspondants. Cocteau ne l’épargna pas toujours dans son Journal. Mais il lui rendit justice après avoir fait sa connaissance, le 4 juillet 1942. :

“Dîner avec Montherlant. Notre première rencontre après un menuet de lettres. L’homme est très intelligent et soucieux, vis-à-vis de moi, de paraître libre (inactuel). Il fait du charme. Je ne retrouve pas ce Montherlant agressif, fermé, dont on me parle[1].”

Cocteau illustra même de deux dessins l’édition de Pasiphaé en 1947. Une certaine hauteur de vue leur permit de coïncider dans le ciel des mythes.

Texte de Montherlant

 
 

Henry de Montherlant (1895-1972)

“Un des quelques vrais écrivains français qui restaient en France vient de disparaître. Je veux dire : un écrivain créateur d’une forme personnelle au service d’un tempérament exceptionnel. Cet écrivain, qui vivait dans un tourbillon incroyable, était assez bien organisé pour faire au milieu de lui une œuvre de valeur. C’est une œuvre qui regarde attentivement de tous côtés, pour voir ce qu’elle doit être et ne pas être. Mais elle a une partie saine, et pure, et belle, à laquelle d’ailleurs – par le plus étrange paradoxe – on n’a pas assez rendu justice : où trouver en librairie ses livres, ou le choix de ses livres, qui devront rester ? Son intelligence fulgurante, son esprit (“avoir de l’esprit”), son ubiquité diabolique. On sentira beaucoup l’absence de tout cela dans un Paris littéraire à la fois bruyant et terne. Son étoile fameuse est montée rejoindre les autres étoiles qui l’attendaient fraternellement.”

Henry de Montherlant
Les Nouvelles Littéraires, 17 octobre 1963


Notes

[1] Journal de Cocteau 1942-1945, éditions de Jean Touzot, Paris, Gallimard, 1989, p. 176