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Articles sur Montherlant (hors presse)46. Montherlant vu par l'Abbé Mugnier (1853-1944)
1. Biographie (Wikipedia)Arthur Mugnier, plus connu sous le nom d’abbé Mugnier, né en 1853 dans un milieu modeste et mort le 1er mars 1944, est un prêtre catholique célèbre pour avoir participé pendant très longtemps à la vie mondaine et littéraire parisienne. Il est l’auteur d’un Journal, tenu de 1879 à 1939, dans lequel il évoque ses rencontres avec les écrivains de son temps, parmi lesquels Joris-Karl Huysmans, dont il relate la “conversion”.
2. ŒuvreJournal de l’abbé Mugnier, 1879-1939, Mercure de France, coll. “Le Temps retrouvé”, 1985 3. Ses rencontres avec Henry de MontherlantL’abbé Mugnier a noté dans son Journal plusieurs rencontres avec Montherlant. Elles ont eu lieu en 1921-1927- 1928-1929, ce qui montre que se trompent les biographes qui décrivent un jeune Montherlant séjournant en permanence autour de la Méditerranée entre 1925 et 1934, alors qu’il est souvent à Paris. La preuve : ses rencontres avec l’abbé Mugnier qui devait certainement l’ apprécier quand on lit le Journal du prêtre. Ses voyages ne l’écartent donc pas définitivement de Paris, ni du milieu littéraire. Journal de l’abbé Mugnier7 mars 1921 : “Visite de Millon de Montherlant. Causé lettres. Il croit avoir froissé de Curel*, en n’admirant pas assez une lecture qu’il lui a faite. Il admire beaucoup Barrès et constate que la guerre l’a diminué. Il est en froid aussi avec lui. Il a passé deux ans à Sainte-Croix de Neuilly. A subi l’influence de deux prêtres qui s’y trouvaient.(Ndlr : l’abbé Petit de Julleville, Supérieur de ce collège et futur cardinal et l’abbé René de La Serre, (préfet du collège et futur Mgr de La Serre), qui prit l’initiative de renvoyer Montherlant de Sainte-Croix en 1912. * Note : François de Curel, est né à Metz le 10 juin 1854 et est mort à Paris le 26 avril 1928. Il est un romancier et auteur dramatique français. Centralien, il écrit quelques romans avant de se tourner vers le théâtre. Il est élu membre de l’Académie française en 1918. Sa fille Marthe était une amoureuse de Montherlant. 30 juin 1927 : “Causé longuement avec Montherlant qui était mon voisin de table. Il a été récemment dans l’Afrique du Nord, au Maroc, en Espagne, etc. Il m’avouait qu’en dix mois, il avait eu 9 à 10 heures de poésie c’est à dire de moments où il avait réalisé son rêve. Toutes les autres fêtes avaient manqué ou plutôt n’avaient pas réussi, pour une cause ou pour une autre, parfois par la présence d’un raseur. Montherlant admire infiniment Barrès mais il lui reproche de n’avoir pas su risquer, d’être resté au bord de l’action. A la Chambre, il faisait sa correspondance. En Orient, il était accompagné par sa femme. Il n’a pas couru l’aventure. Il n’a pas réalisé son rêve.” 8 août 1927 : “Déjeuné aujourd’hui avec François de Curel. Il m’a dit que rien ne resterait de l’œuvre de de Flers, c’est de l’article de Paris. Forain m’avait dit la même chose. (…) Curel me racontait que M. de Montherlant préparant ses Taureaux (ndlr : Les Bestiaires) lui avait demandé si lui, chasseur, éprouvait je ne sais quoi de sexuel pour le gibier car détruire c’est posséder. Curel répondit que non.” 14 octobre 1928 : “Henry de Montherlant est venu déjeuner aujourd’hui chez moi. Il m’a parlé de l’unité d’émotion qui est en nous et il me citait ce fait qu’ayant été très contrarié d’une chose, il en était résulté, chez lui, une exaltation qui fait que l’après-midi il eût fait une action éclatante. L’indignation nous conduit ailleurs, à la sensualité, à l’amour, à l’héroïsme. 20 mars 1929 : “Henry de Montherlant est venu ce matin, il m’avait écrit d’avance. Je l’ai trouvé plus sanguin, de visage, plus expansif. J’ai fait tout de suite allusion à son dernier livre : La Petite Infante de Castille. Il m’a répondu que cela était fini, représentait un côté de lui-même épuisé et qu’il allait se tourner vers ce qui est grave, et opposer au plaisir le contre-plaisir. Il m’a parlé de Chateaubriand et de Barrès comme d’hypocrites qui ne se montraient pas tels qu’au fond ils étaient. Chateaubriand “le grand refoulé” et il m’a cité une phrase de Sainte-Beuve sur le masque qu’il portait et dont il arrachait quelquefois une partie. Quant à Barrès, il avait été surexcité contre les catholiques, par leurs attaques, quand parut Les Jardins sur l’Oronte. Montherlant, l’ayant vu, un jour de Pâques, il le quitta pour aller au Salut de Notre-Dame. Et Barrès de s’en étonner et de lui dire : “Pourquoi ? Qu’est-ce que vous en attendez ?” Du moins c’est le sens de ses paroles qui furent en réalité plus dures, ajoutait Montherlant, qui les a notées.” 23 mai 1934 : “Visite hier d’Henry de Montherlant. Comme après les honneurs qu’on lui avait rendus à la Sorbonne je lui disais qu’il y aurait bientôt l’Académie, il m’a répondu tout de suite qu’il n’avait jamais été favorisé sous le rapport des honneurs. Il a beaucoup d’ennemis qui le poursuivent et il m’a cité ce mot de Gabriele d’Annunzio : “Quand je serai dans le tombeau des vers assemblés me critiqueront encore.” 4. Profil psychologique de l’abbé MugnierLe Journal de l’abbé Mugnier s’étale sur 60 ans. Les rencontres et les amitiés littéraires furent la passion de sa vie. Le fait d’être invité dans la meilleure société de France malgré ses origines modestes, le fait d’être la coqueluche des salons parisiens, lui valut des inimitiés dans les milieux ecclésiastiques. “On le voit partout, c’est à dire dans ces quelques grandes maisons où il suffit d’entrer pour être vu de toutes parts, et envié de tous” écrit Ghislain de Diesbach dans sa biographie de l’abbé. Pourtant l’abbé ressemble à un curé de campagne “avec une soutane élimée et un chapeau tricorne qui au même titre que son rabat, évoque le XVIIIème siècle”. S’il est parfaitement honnête, il est fasciné par la haute aristocratie. Il note dans son Journal : “Ce que j’aime dans ce monde, c’est le cadre, les noms, les belles demeures, la réunion des beaux esprits, le contact des célébrités…”. En même temps, il consacre du temps aux plus humbles. Il y a donc un étonnant contraste chez cet homme simple, passionné de littérature, dont l’esprit et la douceur fascinent les beaux esprits de l’aristocratie. Si sa tournure étonne, sa parole charme. “On sentait que sa bonté, son intelligence suprême étaient un effet irrésistible de sa nature, hors de tout commandement sacré, une chose aisée comme un instinct.” (Guislain de Diesbach). Il ne perdra jamais de vue ses devoirs de prêtre et avec délicatesse écoutera les confessions et aidera les âmes en difficulté à se tourner vers Dieu. Il sera à l’origine de conversions dont celle de Joris Karl Huysmans. Il avait un humour très fin. “A un dîner chez la duchesse de Rohan, sa voisine lui désigne une beauté sur le retour qui arbore une très jolie croix de diamants sur une poitrine décharnée où saillent de grands os : “Avez-vous vu la croix ? demande la dame. “Non, réplique l’abbé, je n’ai vu que le calvaire…” (voir Diesbach). Son humour n’est jamais amer, ni méchant, mais il sait remettre les gens à leur place. “Choqué de le voir déjeuner et dîner aussi fréquemment en ville, un invité lui déclare ironiquement : “On vous enterrera dans une nappe… - Avec vos miettes !” lui décoche l’abbé. (Voir Diesbach). Il y a chez l’abbé Mugnier une personnalité proche de celle des Frères Goncourt, de celle d’Horace de Vieil-Castel (mémorialiste du Second Empire) et de Paul Léautaud. L’Abbé Mugnier ramassait parfois quelques ragots qu’il confiait à son Journal, certains fort crus sur Maupassant, Jean Lorrain et d’autres papillons plus ou moins faisandés qu’il épinglait avec une douce délectation. Mais on ne peut le comparer dans ce registre à Peyrefitte-la-Vipère … Mugnier n’était pas un homme méchant. On trouve dans son Journal ce cri de détresse : “Je crève de solitude morale”. Ses dernières années furent adoucies par la protection de deux aristocrates qu’il appelait ses “nièces” = la nièce première, la comtesse François de Castries, qui deux fois veuve vit une vie retirée et à laquelle il lèguera son Journal, et la princesse Bibesco qui prend le titre de nièce seconde qui entretient avec l’abbé une active correspondance. Il s’éteint en pleine guerre, le 1er mars 1944, aveugle mais lucide et résigné, à quatre-vingt-onze ans. Ghislain de Diesbach son biographe rapporte ce mot de la vieille servante de l’abbé Mugnier pour qui Chateaubriand était le sommet de l’art d’écrire : “Ah ! Monsieur le Chanoine va être bien content : il va pouvoir enfin faire la connaissance de Monsieur le Vicomte !” 5. Bibliographie de l’abbé Mugnier
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