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Articles sur Montherlant (hors presse)37. Mariette Lydis (comtesse Govone) et Montherlant, par Henri de Meeûs
“Vous êtes à Paris le seul ami qui me manque et dont j’éprouverai la nostalgie toujours.” “Espèce de déité en acier, indépendant de tout contact humain, Montherlant n’a besoin de personne. Sa franchise, sa clarté de jugement sur le monde et sur lui-même sont désarmantes.” “Mariette Lydis nous introduit dans un monde d’êtres émouvants ou exquis, qui est celui-là même auquel se confinent les gens intelligents, je veux dire les gens qui tiennent pour une preuve extrême d’intelligence, de jouir de ce qu’il y a de beau sur la terre.” “Ce visage dessiné de jeune fille, dans le hall de la Bibliothèque Nationale, par lequel je connus Mariette Lydis, je savais bien qu’il m’ouvrait quelque chose, mais pouvais-je croire que ce serait un univers où je me retrouverais moi-même ?” Mariette Lydis est un personnage très fort, étonnant, mobile, une grande artiste, qui a illustré de nombreux livres dont plusieurs de Montherlant. 1. Vie de Mariette LydisElle est née Marietta Ronsperger le 25 août 1887 à Baden près de Vienne. Elle est donc autrichienne. Elle n’a jamais été précise sur sa date de naissance, car on cite 1884,1890, 1894. Mais 1887 est la date la plus certaine selon les spécialistes qui ont étudié sa vie. Elle parle bien le français avant de parler l’allemand. Sa vie sera caractérisée par de nombreux déménagements et de nombreux voyages (l’Allemagne, la Russie, la Turquie, le Maroc, la Grèce, la Suisse, l’Italie, la France où elle séjournera à plusieurs reprises, l’Angleterre de août 1939 à juillet 1940, et enfin l’Argentine (Buenos-Aires de 1940 à 1948, puis de 1950 jusqu’à sa mort). Son premier mari est grec ; il s’appelle Jean Lydis, grand sportif et excellent joueur de tennis. Elle l’épouse en 1920 mais s’en séparera en 1923. En 1925, elle rencontre l’écrivain italien Massimo Bontempelli qui lui présentera Montherlant et qui l’introduit dans les milieux intellectuels et artistiques parisiens. Elle s’installe à Paris en 1926. Elle va illustrer de nombreux ouvrages d’écrivains français : Pierre Louys, Baudelaire, Octave Mirbeau, Henry de Montherlant, Paul Valéry, Verlaine, Jules Supervielle, Delteil… etc.
(Giuseppe Govone (né le 2 septembre 1885 à Menaggio - mort le 27 août 1948 à Milan) était un comte italien, qui vivait à Menaggio, près du lac de Côme dans la province de Côme en Lombardie, avant de s’installer en France, où il devint éditeur d’art. Il est l’arrière-petit-fils du général Govone (1825-1872), ami de Gabriele D’Annunzio, dont il fut l’un des légionnaires. Giuseppe Govone a fondé en France, dans les années 1920, les Éditions Govone. Il publiait des ouvrages d’écrivains tels que Baudelaire, Maupassant, Montherlant, dans de luxueuses éditions, illustrées d’œuvres de son épouse, Mariette Lydis. Giuseppe Govone mourut à Milan en 1948. Il est enterré au cimetière de Menaggio,) Mariette Lydis va durant toutes ces années entretenir une très forte amitié avec Henry de Montherlant captivé par la beauté de son travail. 2. Portrait de Montherlant par Mariette LydisMONTHERLANT “Comment est Montherlant ?
“Au début, il y a dix ans, à peine entré à son service, Monthéry demandait : Monsieur le Comte moi pouvoir faire pipi ? à la suite de quoi, Montherlant l’engagera à le faire sans autorisation. 3. Montherlant écrit sur Mariette Lydis(Ci-dessous quelques courts extraits des 17 pages écrites par Montherlant dans l’ouvrage sur Mariette Lydis, publié aux Editions des Artistes d’aujourd’hui à Paris en 1938 avec 55 illustrations des œuvres de l’artiste)
“Lorsqu’on entre dans l’œuvre de Mariette Lydis, on respire. Humanité et beauté. Des bêtes, de la jeunesse, un verger de visages, des costumes de féerie. Vraiment l’oasis. (…) Ce qui occupe sans répit Mariette Lydis - comme l’auteur de ces lignes - c’est l’être humain : l’être humain dans son âme exprimée par son visage, et l’être humain dans son âme exprimée par son corps, car le corps trahit, lui aussi. (…) Une lyrique éclatante d’aveux (…) 4. Quelques documents extraits de la correspondance entre Montherlant et Mariette LydisLettre de Montherlant à Mariette Lydis datée 25 Quai Voltaire, VII°,16 oct. 1945 Chère Mariette Lydis, Je viens d’avoir des nouvelles de vous par votre amie anglaise (celle qui vivait chez vous). Combien de fois j’ai demandé de vos nouvelles depuis cinq ans à Lefebre, à Mornand,etc… Et de celles de M. Govone. En gros, on m’avait renseigné assez exactement. Je suis bien heureux d’apprendre que vous et Govone vous allez bien, et même projetez de revenir au printemps à Paris. En 1940, j’ai fait trois semaines de campagne militaire comme correspondant de guerre de Marianne, et ai été très légèrement blessé, puis un an dans le midi, puis retour à Paris, où j’ai eu deux pièces jouées, au Théatre français et au Théâtre. St Georges. Et depuis je suis resté à Paris, où vous devez savoir que l’édition ordinaire est en veilleuse, faute de papier, mais que l’édition de luxe est florissante (et n’a jamais cessé de l’être depuis cinq ans), ce qui, je l’espère, promet de beaux jours à Govone et à vous. J’espère que nous nous retrouverons encore sur les mêmes pages, et vous dis un amical à bientôt. Montherlant Lettre de Montherlant à Mariette Lydis, datée de Paris du 15 mars 1947
Chère Mariette Lydis, Vous me demandez gentiment de vous parler de moi, m’étant fait prêter à nouveau votre récent album, que j’avais eu trop peu de temps entre les mains. J’aime mieux vous parler encore de votre préface. Ce que j’en aime ? Voici, au courant de la plume. “J’ai tout ce que je désire”. Moi, aussi, cette constatation simple et innocente du bonheur, et n’en avoir pas honte. Votre amour pour votre travail, vous l’appelez “refuge”. Je l’ai souvent appelé “drogue”. Seriez-vous assaillie des préoccupations les plus pressantes et les plus graves, il peut arriver que ce qui soit bien soit de tout cesser - en apparence - une folie pour se donner deux heures de travail : ces deux heures suffisent à vous rendre votre équilibre, comme une piqûre rend son équilibre à un malade. “Travailler à mon goût, c’est travailler toujours.“Moi aussi encore une fois. (Barrès a écrit : “Je veux travailler 24 heures par jour”.) J’ai travaillé dans toutes les circonstances, et, dans la guerre, à des moments où raisonnablement j’aurais dû n’avoir d’autre souci que de sauver ma vie. Et quand vous terminez, pensant à la mort, par “J’aimerais tant peindre un peu encore”, je songe à ce que je me dis souvent ces temps-ci : “Je demande quatre ans”. A propos du travail et de l’amour, connaissez-vous la phrase de Gobineau : Il y a le travail, puis l’amour, puis rien ? Combien de fois je me la suis répétée, car il me semblait que c’était moi qui l’avait écrite ! Mais autrefois, dans cette phrase, j’intervertissais les mots amour et travail. “Donner un côté humain et émouvant à ce que je fais”. Voilà, je pense, la clef de votre art, et voilà pourquoi il me touche. J’ai de plus en plus horreur de “l’art intellectuel”, “abstrait”, de la déformation, etc… qui constituent ce qu’on appelle aujourd’hui la peinture moderne. Moi aussi dans mon art (et le théâtre m’y a incliné plus encore), je ne cherche que l’humain, et j’avoue sans masque que je cherche aussi à émouvoir. (…) Je ferai les deux ou trois pages que vous me demandez pour Serge Sandrier. Ou du moins je donnerai plus d’unité à ces pages. Mais je crois qu’il vous faut trouver vos motifs d’illustration dans les seules pages que vous avez déjà. Et voici pour “mon projet de collaboration”. J’aurais voulu ne vous en parler qu’à Paris, mais, hélas, je pense que vous ne viendrez jamais. Je me suis occupé pendant plusieurs années, sous l ‘Occupation, de la Croix-Rouge suisse - assistance aux enfants éprouvés par la guerre : colonies scolaires, départ des enfants pour la Suisse, convois en chemins de fer et camions. J’ai écrit là-dessus 80 pages dont, picturalement, le thème est : enfants français des deux sexes, du peuple, plus ou moins marqués par la guerre (je veux dire les uns souffreteux et hagards, mais les autres parfaitement sains). En somme, un album de visages d’enfants. Cette petite œuvre, terminée depuis trois ans, est restée inédite, simplement parce que je voulais en donner l’originale qu’illustrée, et que je n’ai jamais trouvé d’illustrateur, (que des “déformateurs”). Je sens bien que pour illustrer cela, il vous faudrait des visages français… Voulez-vous malgré tout que je vous envoie le texte ? Mais dites-moi alors où, (à quelle adresse), en calculant que le temps de faire dactylographier à nouveau, je pourrais vous l’envoyer, par la voie postale, dix jours environ après avoir reçu votre réponse. Donnez-moi des nouvelles de votre mari et croyez-moi votre très amicalement, Montherlant. Lettre de Montherlant à Mariette Lydis du 14 septembre 1948 (sur la mort du comte Giuseppe Govone décédé le 27 août 1948 à Milan) Vous devinez avec quelle peine j’ai appris la triste nouvelle. Il y a deux mois, votre mari m’avait paru fatigué et rongé. Mais je ne pensais pas que sa fin fût si proche. Vous savez mieux que quiconque tout ce qu’il y avait en lui de racé, d’élégant moralement et physiquement, de délicat. C’était un homme d’une autre époque. Comme je regrette de ne l’avoir pas rencontré davantage pendant son récent séjour à Paris ! Comme je voudrais l’avoir regardé en sachant que c’était la dernière fois ! Peut-être aurais-je su mettre dans mes paroles un écho de sympathie et l’estime véritable qu’il m’inspirait. Mais la vie passe et ce qui est important nous échappe, distraits que nous sommes pour des demi-futilités. Je m’exprime bien dans mes livres, mal dans mes lettres, plus mal encore en paroles. Mais je pense que, même sans cette lettre-ci, vous auriez vu la part profonde que je prends à votre chagrin, et le souvenir pénétrant que je garde de votre mari. Croyez-moi votre amicalement dévoué, Montherlant. Letttre de Montherlant à Mariette Lydis, datée de Paris, 25 janvier 1950 Chère Mariette Lydis, Vous n’avez pas digéré “vous et vos maisons”. Et moi je n’ai pas digéré la lettre que vous m’avez écrite à ce propos. Je préfère ne pas la relire avant de vous écrire. Il y a maléfice sur toute correspondance. Toujours source de malentendus - et il me paraît incroyable que vous ayez pu être blessée par une phrase qui signifie simplement : “ce qui me différencie de vous, c’est…” C’est à peu près comme si je vous avais dit : “Ce qui me différencie de vous, c’est que vous aimez les perroquets, et moi, non”. J’en viens à me demander si, malgré votre excellente connaissance du français, vous ne mettiez pas dans ce mot “sépare” une nuance morale péjorative, qui n’y existe absolument pas en français.Evidemment, je serais enchanté que vous vous intéressiez à ma petite infante. Je vous envoie le livre, mais me doutant que quelque haut intérêt international empêchera qu’il ne vous parvienne. Il y a un an, j’avais eu l’idée de vous suggérer de faire le portrait d’une petite actrice, Danièle Delorme, qui m’avait frappé comme très “Mariette Lydis”. Aujourd’hui, la voici star et célèbre, et elle va jouer ma nouvelle pièce “d’amour”, avec Victor Francen, au cours de la saison prochaine. Peut-être vous la ferai-je connaître en avril. Il me semble que, du temps où je me déplaçais, il y avait toujours beaucoup de cafard à retrouver mes anciennes demeures. L’avez-vous éprouvé à Buenos-Aires ? Votre Montherlant Lettre de Montherlant à Mariette Lydis datée Paris 19 septembre 1951 Chère Mariette Lydis,
Vous me déroutez un peu en me disant que vous allez vous servir d’une phrase d’une de mes lettres. Car je vous écris au courant de la plume, c’est à dire sans cette attention qui est nécessaire pour qu’une phrase colle exactement sur le sentiment ou sur la pensée. Faites-le si cela vous est agréable, bien entendu. Mais pourquoi, lorsque j’ai écrit quelques 25 livres dont je prends l’entière responsabilité, citer de préférence une lettre écrite à la va-vite ? Vous me répondrez sans doute : “Elle a quelque chose de plus personnel”. Réponse de femme, à une position d’homme. Je vous ai envoyé la traduction américaine de ma pièce qui porte votre dessin sur la couverture “rempliée”. Je pense que c’est de cela que vous parlez, et non du livre de J. Sandelion, Montherlant et les femmes, qui vous fut envoyé vers novembre dernier, et portait ce même dessin sur la couverture brochée, reproduit avec votre autorisation. (…) Le testament est une chose qui porte à réfléchir. Il y a treize ans que je tripote le mien. La question essentielle qui en sort - pour un artiste - me semble être : pourquoi avoir non seulement fait, mais maintenu avec tant de fermeté, pendant toute une vie, une œuvre, pour qu’elle aille à vau l’eau, aussitôt que vous aurez disparu ? Car nul ne peut vous remplacer dans le soin à donner à votre œuvre : légitimes et illégitimes, les héritiers ne réunissent jamais, je crois, les deux vertus indispensables : le dévouement et la capacité. C’est l’une, ou l’autre ; et alors… Votre désir d’illustrer ma pièce (La Ville dont le prince est un enfant, ndlr), va au devant du mien, car elle est précisément l’œuvre “lydienne”. Et puis, il vous suffira de l’entrouvrir pour voir qu’elle vous appartient déjà. Je crois que c’est une des meilleures choses que j’aie jamais écrites, pour la construction, la compression (la concentration), la pureté de la ligne, l’émotion, la richesse et aussi la noblesse dans les sentiments. (Ne croyez pas que je m’admire à ce point dans tout ce que j’écris ! Loin de là) (…)Je ne l’ai fait lire encore qu’à deux personnes (en dehors de l’éditeur), deux femmes (mères), (dont Marguerite Lauze ndlr.) L’une m’a dit que c’est ce qui la touchait le plus dans toute mon œuvre (…) Affectueusement, Lettre de Montherlant à Mariette Lydis datée Paris, le 29 décembre 1969. 25, quai Voltaire Madame Mariette Lydis Chère Amie, Je reçois votre lettre de vœux, ainsi que les très beaux documents que vous m’envoyez, qui me montrent à quel point vous êtes appréciée en Amérique du Sud. Vous avez raison de me dire à ce propos un mot un peu amer sur la France. Vous savez quels sont les peintres qui sont exaltés jusqu’à l’apothéose en France. Il vaut mieux que nous n’en disions pas plus, car c’est un jugement général sur la France qu’il faudrait porter et que je ne veux pas porter. Mais je n’en pense pas moins. Je n’ai pas pu poursuivre l’idée d’une collaboration avec vous pour Les Garçons à cause des complications vraiment terribles qu’auraient causées l’envoi des pierres et aussi toute la correspondance à échanger au sujet d’un pareil projet, et en passant quelquefois par un intermédiaire. Vous savez bien que si vous aviez été à Paris la chose aurait été faite tout de suite. ;Les Garçons paraitront dans une édition à 350 exemplaires, en deux volumes sous même emboitage, avec soixante lithographies originales en pleine page d’Edouard Mac’Avoy, édités par un pool, étant donné la mise de fonds nécessaire, quarante millions d’anciens francs, paraît-il. Le volume sortira à l’automne 1971. Je suis actuellement dans les répétitions de Malatesta, qui sera donné à la Comédie française le 28 janvier, et d’une Tournée Karsenty de La Ville dont le prince est un enfant, pendant qu’une autre troupe continue d’interpréter la pièce à Paris, où elle a atteint sa 750° représentation. Jean Meyer en a tiré aussi un film, que vous verrez peut-être à Buenos-Aires, mais pas avant 1971. Je regrette beaucoup que vous ayez quitté l’Europe, et vous n’avez cessé de me manquer ; nous aurions continué de collaborer ensemble, et nous aurions dit entre quatre murs ce que nous pensons de la peinture que l’on impose aux Français. Je vous envoie mes meilleurs vœux et mes meilleures amitiés. Henry de Montherlant Lettre de Mariette Lydis à Henry de Montherlant datée du 27 mars 1970 (cette lettre est la dernière de Mariette Lydis adressée à Montherlant, car elle meurt le 26 avril) Buenos Aires Mon très cher ami, Vous ne savez pas la joie que j’ai eue de voir votre écriture que je n’avais pas vue depuis si longtemps. Pour vous dire la vérité, cette joie, votre lettre, a été un des grands plaisirs que j’ai pu ressentir pendant les trois mois de ma maladie. Je vous dirai même que votre lettre est là, sur ma table de nuit, et je ressens chaque fois que mon regard la rencontre le même plaisir intense que lorsque je l’ai reçue ; ;D”abord de voir votre écriture, ensuite que vous me félicitiez pour la série d’heureuses coïncidences qui a fait que j’ai laissé la France en échange de l’Argentine, qui m’a concédé tant de joies, de ;triomphe et de récompenses. Mais avant tout votre phrase finale, si affectueuse, qui m’est allée droit au cœur. Vous êtes à Paris le seul ami qui me manque et dont j’éprouverai la nostalgie toujours. Mariette Lydis 5. Liste (non exhaustive) des ouvrages illustrés par Mariette Lydis
6. Œuvres de Mariette Lydis dans les collections publiquesAmsterdam (Stedelijk Museum), Florence (Galleria degli Uffizii, et Cabinetto dei Disegui e Stampe), Genève (Musée d’Art et d’Histoire), Leipzig (Museum der Bildenden Künste), Londres (British Museum, and Victoria and Albert Museum), Milan (Castello Sforzesco), Paris, (Musée du Jeu de Paume, Bibliothèque Nationale, et Cabinet des Estampes), Utrecht, (Aartsbisschoppelijk Museum), Vancouver (Art Gallery), Vienne(Albertina), Buenos Aires, etc. 7. Sources de l'article
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