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Articles sur Montherlant (hors presse)12. Marcel Jouhandeau “parfois halluciné par la mort d'Henry”
Marcel Jouhandeau, écrivain français, est né en 1888 et meurt en 1979. Il est donc l’aîné de Montherlant, né en 1895. Il admire beaucoup Montherlant. Ils se connaissent. Ils se sont rencontrés en 1922 chez Dermenghem, l’historiographe des mystiques musulmans. Montherlant ne parle jamais de Jouhandeau dans ses œuvres. On a les traces d’une correspondance entre les deux hommes (Lire, Montherlant critique, page 204 et suiv. par J-F Domenget chez Droz) “Jouhandeau se lève quand j’entre dans la pièce des inspecteurs et vient me voir. Il a l’air d’un prêtre. Manifestement, il est dans un autre monde. Manifestement, il est innocent, comme moi. Je veux dire un innocent de grand type. Il a à la main un volume de Port-Royal de Sainte-Beuve. Quel abîme ! Cet ouvrage où j’ai vécu les durs mois de l’armistice ! Je lui signale l’emprisonnement de Saint-Cyran au fort de Vincennes et son tremblement dans les premiers moments qu’il se voit en prison ; avons-nous ce tremblement ? Et pourtant ce mot (ailleurs dans Sainte-Beuve) : “Monsieur de Saint-Cyran n’eut aucune de ces faiblesses… Domenget écrit “que cette rencontre scelle l’amitié entre les deux hommes. Amitié tardive (Montherlant a cinquante ans et Jouhandeau cinquante-sept), mais pendant une bonne dizaine d’années assez étroite. Cinquante-huit lettres de Montherlant à Jouhandeau sont conservées dans le fonds Jouhandeau à la Bibliothèque Jacques Doucet. En 1959, Montherlant coupe toute relation avec Jouhandeau, plutôt réservé sur Don Juan. Sont retenus ici les extraits des Journaliers XXVI (fin 1971-1972) (Nrf) écrits par Jouhandeau, quand il apprend le suicide de Montherlant (21 septembre 1972). Page 138 : “Quand je songe à Montherlant, à son désespoir, à sa mort, les privilèges qui sont les miens me font mal et une espèce de honte. Certes, il est plus urgent de conserver intact l’usage de ses sens que de connaître la gloire. Que signifient les acclamations des hommes, si Dieu vous retire ses dons ? La Foi d’abord. Merci mon Dieu, de m’avoir permis de Vous connaître et de Vous aimer ; cependant l’Enfer des autres m’empêche de jouir paisiblement de mon Ciel.” Page 138 : “Parfois, halluciné par la mort d’Henry, je crois être à sa place, d’abord avant le coup de feu et après.” Page 138 : “La mort de Montherlant m’a détaché de moi-même ; Je ne puis plus regarder mon corps, sans un supplément de pitié. Page 139 : “André Brincourt me demande d’écrire quelques lignes pour Le Figaro sur la mort d’Henry de Montherlant. Non. Je refuse. Certes, depuis qu’il n’est plus, un vide affreux à sa place m’est sensible. Les circonstances de sa disparition me laissent meurtri. Je ne puis plus supporter mon intégrité physique. La vie m’est laissée à quatre-vingt-cinq ans et je ne suis diminué par aucune infirmité. Page 139 : “J’ignore le nom de l’historien qui a parlé de Montherlant le lendemain de sa mort à la télévision. Je ne pardonne pas d’avoir dit qu’il répugnait à l’auteur de La Reine morte que l’on pût reluquer son cadavre. Pareille vulgarité dans une telle circonstance est un outrage.” Page 140 : “Est-il permis d’entrer dans l’autre monde par effraction ? Peut-être ; pourquoi pas, exceptionnellement ? Nihil est nisi individuum.” Page 140 : “D’après ce que m’a dit (le peintre) Edouard Mac Avoy, Montherlant ne savait pas le matin qu’il se tuerait le soir. Page 140 : “Le vide laissé par Montherlant est immense. Il n’est personne qui n’ait été averti de sa fin et ceux qui l’ont connu personnellement, ses lecteurs aussi, mesurent son importance à la profondeur de leur chagrin. Il imposait. Aucun autre écrivain vivant ne dispose de la même majesté. Page 141 : “Pourrait-on dire de Montherlant ce qui est vrai de plusieurs écrivains contemporains, disparus comme lui, que son personnage avait plus d’importance que son œuvre ? La postérité le dira. Je ne le crois pas.” Page 142 : “Reste dans mon souvenir une lettre de Montherlant qui se terminait à peu près ainsi et ressemble déjà à une prophétie : Page 144 : “Je me représente les derniers jours de Montherlant comme ceux d’une taupe aveugle dans son nid solitaire, sans cesse à la merci d’une mauvaise surprise.” |
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