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Articles sur Montherlant (hors presse)

141. Henry de Montherlant, par Ventura Garcia Calderon

(Source : Revue des Deux Mondes (1829-1971), 15 décembre 1958, pp. 657-660)

Ventura Garcia Calderon (1886-1959)

 
 

Venture Garcia Calderon
1886-1959

C'est à Paris où son père, homme d'État péruvien exilé, s'est installé après avoir subi la prison, que Ventura Garcia Calderón voit le jour le 23 février 1886. Sa famille regagne la terre natale six mois après sa naissance. Le futur écrivain suit les traces de son père et fait carrière dans la diplomatie. Sa première mission se déroule dans notre pays, où il est en 1917 ministre de la République du Pérou; il y sera encore chargé de mission en 1935. D'autres nations européennes le voient exercer ses fonctions : la Suisse, la Pologne et surtout la France. Il sera délégué permanent de son pays auprès de l'UNESCO.

Calderón est l'auteur d'une œuvre abondante, écrite en espagnol et partiellement traduite en français, mais aussi rédigée directement en français.
Dans la brève étude qu'il lui a consacrée (V.G.C. 1934), Montherlant salue l'imagination de l'auteur péruvien et sa volonté d'inclure le merveilleux et le fantastique dans l'histoire tourmentée de son peuple.

La poésie n'est pas la véritable voie de Calderón même s'il publie encore des Cantilenas en 1920. Dans une élégie qui ouvre ce recueil, le poète proclame son attachement à la France et à sa civilisation. Douloureusement marqué par la mort de son frère (passé de la Légion étrangère dans l'aviation française) sur le front de Verdun en 1916, il a cette année publié son premier ouvrage directement écrit en français, Don Quichotte à Paris et dans les tranchées. S'il continue à écrire dans sa langue maternelle, Calderón va enrichir sa bibliographie d'une vingtaine de volumes rédigés en français.

 

En 1925, la traduction de La Vengeance du condor fait figure d'évènement. Cette suite de contes, genre dans lequel Calderón va trouver sa véritable vocation d'écrivain, révèle au public un auteur à l'observation aiguë, utilisant les reliefs dramatiques avec un art consommé. Le Pérou est l'âme de ces récits, un Pérou qui incarne plusieurs civilisations à la fois, de l'empire des Incas à la conquête espagnole liée à la recherche de l'or, de la subtile alliance entre un passé grandiose révolu et une terre de traditions qui veut s'ouvrir à la société moderne. La capitale Lima, réputée pour la beauté étrange de ses femmes et pour ses intrigues amoureuses, en est le symbole parfait. Calderón s'en souviendra en publiant Para una antologia de la Limena en 1935, pages qui exaltent la féminité de celles qu'il appelle les sirènes du Pérou.

Poète et conteur, Calderón est aussi dramaturge (La Périchole, 1959, une comédie où l'on retrouve un personnage de Mérimée) et essayiste (on lui doit plusieurs ouvrages de critique consacrés à la littérature péruvienne). Dans sa vaste production, il faut mettre en évidence un livre de 1939, Vale un Perú, écrit en espagnol avant d'être traduit en français. Ce roman, proche de l'esprit de la chevalerie picaresque, esquisse une histoire de la colonisation, et s'inspire des luttes entre les dieux de la terre péruvienne et la religion chrétienne. Une atmosphère à la fois baroque, mystique, folklorique et fantastique traverse cet ouvrage de passion exaltée.

Parmi les livres écrits directement en français, on citera les pittoresques Récits de la vie américaine (1925), Si Loti était venu (1927), roman dans lequel Calderón accorde au romancier-marin une vie d'amour et d'aventure au Pérou, Couleur de sang (1932), des contes couronnés par le prix Hérédia de l'Académie française, Le Sang plus vite (1933), des nouvelles dont Henri de Régnier dira qu'elles sont d'hallucinants chefs-d'œuvre. En 1937, les Cahiers du journal des poètes font paraître une étude de Calderón consacrée à Montherlant.

L'écrivain péruvien vit douloureusement la seconde guerre mondiale dans la capitale française, et écrit en 1945 un Envoi à la France, hommage au pays qui est devenu sa seconde patrie; le livre se révèle aussi un réquisitoire sévère contre l'Allemagne. Avant le conflit, Cette France que nous aimons (1938) lui avait déjà donné l'occasion de s'enflammer pour la culture française.

Pressenti pour le prix Nobel en 1934, reconnu dans le monde francophone et hispanique comme un représentant prestigieux de la littérature d'Amérique latine, Calderón a la joie de voir paraître en 1947, à Madrid, un recueil de textes significatifs tirés de sa production, Páginas escogidas. Il meurt à Paris le 27 octobre 1959. Il avait été élu à l'Académie royale belge de langue et de littérature françaises le 10 décembre 1938.

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