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Articles sur Montherlant (hors presse)

94. L’amitié du peintre Henri Matisse (1869-1954) pour Henry de Montherlant (1895-1972)

“C’est la première fois que je travaille avec un partenaire aussi difficile que vous, jusqu’ici les auteurs m’avaient laissé la possibilité de chanter en duo concertant avec eux. Cette fois, je vous suis pas à pas, en second violon, mieux : en “brigadier vous avez raison”.”

(Matisse à Montherlant, lettre du 3 mai 1943)

Introduction

 
 

Henry de Montherlant

Nous présentons en vrac une série de documents trouvés sur internet qui pourraient être un début de documentation pour la rédaction d’un article sur l’amitié entre Matisse (biographie Wikipedia) et Montherlant. Puissent nos lecteurs nous fournir d’autres sources qui permettraient la rédaction d’un texte plus détaillé sur l’histoire de cette amitié entre ces deux immenses artistes.

A lire les quelques lettres de Matisse adressées à Montherlant, on est étonné par la forte sympathie que Matisse témoigne à l’écrivain. Matisse qui voulait d’abord illustrer La Rose de sable comprend qu’il n’y parviendra pas car Montherlant exprime tout dans ce livre et Matisse ne peut pas à y ajouter quelque chose. Il renonce.

Il décidera alors d’illustrer la pièce de théâtre Pasiphaé écrite par Montherlant en 1936. Cela lui prendra du temps et beaucoup de travail. Il aura plusieurs rencontres avec Montherlant. Il fera de nombreux portraits de Montherlant.

“J’ai essayé 5 ou 6 planches de votre tête, de tempérament impétueusement chaud quoique dominé - mais je n’ai pu en être content car je suis resté tellement impressionné par votre expression affolée.” (Matisse à Montherlant, 15 septembre 1943)

Les deux hommes échangeront une correspondance très franche, libre et confiante.

Henri Matisse

1 – Pasiphae, Henry de Montherlant [source unofficial Henri Matisse website]

Pasiphaé, Chant de Minos (1944 and 1981)

Text by Henry de Montherlant. Paris : Martin Fabiani, 1944. 200 copies on velin d’Arches filigrané paper, from a total edition of 250.

The most productive period for book illustration for Matisse was from 1946 to 1950. While Matisse is 74, he lived in Nice at Villa le Rêve, which was at the time under the threat of Nazii bombardment, he mustered his creative energies to illustrate Henry de Montherlant's Pasiphae and published Themes and Variations. One year later, he illustrated Baudelaire, Les Fleurs du mal. In 1946 he illustrated Lettres d’une religieuse portugaise (Letters to a Portugues Nun) by Mariana Alcoforado and Visages by Pierre Reverdy.  In 1940, the French author Henry de Montherlant posed for a portrait by Matisse and used the sessions to propose a collaboration. Matisse had admired de Montherlant's dramatic new version of the Pasiphaé myth and chose this story for the project.

Pasiphaé, Chant de Minos is a contemporary retelling of the story of Pasiphaé and the Minoan bull was the impetus for one of Matisse’s most intensive printmaking experiences. The story raccounts that trouble began on the island of Crete when King Minos refused to sacrifice a handsome white bull to the sea god Poseidon. To punish Minos, Poseidon cursed Pasiphaé, Minos’ beautiful wife, with a passion for the bull. Driven mad with desire, Pasiphaé mated with the bull and gave birth to the half-bull, half-human creature known as the Minotaur.

Working with linoleum, a fairly easy material to use, Matisse cut many blocks of each image to achieve the perfect flow of line and relationship of forms. Intent on matching the spirit and ambience of the classic tale, Matisse took as his model ancient Greek blackground vase painting (Castleman).

For each scene, Matisse selected a favorite phrase from de Montherlant's Pasiphaé and interpreted it in several different ways. True to his style, the images respond not to the tale's tragedy but to universal themes of passion, feminine beauty and love. For the 1944 publication, only one image per scene was printed and the alternate linoleum blocks were stored for a separate edition Matisse hoped to publish later.

Matisse favored linoleum engraving because it captured the subtle movements of his hand. He began with a thick block of linoleum and used a knife or gouge to carve the soft surface. Ink was then applied to the uncarved sections before being pressed to paper. It was left to the Matisse Estate to publish the remaining linoleum blocks in a limited edition of 100. Following Matisse’s wishes, they used the ink and paper from the 1944 edition and also authenticated each image with the estate stamp “HM”. The 1981 edition features new versions of Matisse’s most beautiful and famous images, including the Embrace.

Pages 26-27 di Pasiphae - Chant de Minos
by Henry de Montherlant,
Paris, Martin Fabiani, 23.7 x 25 cm.

2 – Lettre autographe signée, adressée à Montherlant, Vence, 15 septembre 1943 [Musée des Lettres et Manuscrits]

Dans cette lettre illustrée d’un dessin à la plume et à l’encre bleue, Matisse représente ce qu’il a sous les yeux :

“Voici le mur que j’ai devant moi nuit et jour. C’est l’illustration (et ses études) de P. [Pasiphaé] et du C. de M. [Le Chant de Minos] de H. de M. Les X indiquent l’illustration même […] Pour l’effigie de Pasiphaé placé en frontispice il y a 10 planches […] Il y a aussi 84 lettrines que j’ai dessinées et gravées imprimées en ... rouge. Et je n’ai pas encore fini, je travaille encore la pl[ace] du taureau.

Il se faisait un plaisir de voir Montherlant devant cet ensemble arrangé comme trois fenêtres, mais l’écrivain ne vint pas. L’ouvrage Pasiphaé : chant de Minos (Les Crétois) paraît chez Martin Fabiani en 1944, illustré de gravures originales de Matisse.

3 – Lettre de Matisse à Montherlant, Nice, 3 mai 1943 [France Culture]

Cher pauvre Esclave,

Vous me faites pitié ! Comment avec le talent remarquable que vous avez, les dons exceptionnels, pour ne pas dire le génie, dont vous avez été gratifié, pouvez-vous vous laisser posséder ainsi que vous m’en donnez idée dans votre lettre, et que je puis très bien me représenter par l’affolement dans lequel je vous ai vu.

Pensez que, moins vous vous laisserez embêter, plus vous serez considéré – et que vous avez suffisamment en vous pour avoir la maîtrise de votre vie. Vous paraissez déjà l’avoir perdue – prenez garde il est encore temps de la reconquérir, il suffit que vous le vouliez.

Ne prenez pas mal, cher ami, mon affectueuse gronderie, j’ai passé par où vous êtes et j’ai eu le courage de faire un tête à queue dont je me réjouis. Si j’avais le plaisir de vous avoir un peu plus (si je puis dire), je saurais vous convaincre, certainement, par des exemples vécus.

Pour le Pasiphaé et le Chant de Minos, je les ferai, j’y suis attelé – soyez tranquille à ce sujet, vous serez contenté. Je trouve le Chant de Minos fort beau, fort grand – ces contrastes de passion excessive m’excitent au plus haut point – aussi il sera illustré “copieusement”. (…)

Pourquoi n’aimez-vous pas la gravure sur lino ? Où les avez-vous vues ? Cette gravure est difficile comme l’est le violon dont la qualité tient à la souplesse de l’archet et à la sensibilité de l’exécutant. Plus les moyens d’exécution sont imparfaits, plus la sensibilité se manifeste. C’est la première fois que je travaille avec un partenaire aussi difficile que vous, jusqu’ici les auteurs m’avaient laissé la possibilité de chanter en duo concertant avec eux. Cette fois, je vous suis pas à pas, en second violon, mieux : en “brigadier vous avez raison”. Je ne vous le dis pas en reproche mais simplement pour vous indiquer que j’ai triomphé de ce qui m’avait empêché jusqu’ici de dessiner pour vous.

Je vous renvoie tout de suite les photos que j’ai reçues de vous. Je les trouve trop à l’eau de roses pour le Montherlant que je connais – le Minos qui m’enflamme – qui met le feu à l’Enfer (je ne veux pas dire que je suis l’Enfer).

Ces photos me font craindre le bicorne emplumé qui les coifferait très bien, en accord avec la graine d’épinard et l’épée rivée, placée au côté d’un académicien considéré et dépendant.

Je vous taquine – je vous vois tellement autrement que ce que vous méritez d’être.

Mille excuses et affectueusement,

Henri Matisse

N.B. : Plaquez tout le monde et filez où vous voudrez. Vous aurez tout de même ce que vous désirez. Il ne faut pas trop en faire pour la Gloire. Permettez. Êtes-vous certain que la nouvelle pièce que vous êtes venu faire à Grasse ne va pas casser les pattes au succès considérable de La Reine Morte ? pour laquelle le public est encore en érection ? Pardonnez cher ami, je suis si seul, que je vous jalouse (point d’ironie).

4 – Représentation théâtrale de Pasiphaé, 4 juillet 2008 [Musée Matisse de Nice]

Vendredi 4 juillet 2008 – à partir de 19 heures. Représentation théâtrale et illustration musicale. Pasiphaé, libre inspiration de Matisse à Montherlant. Entrée libre, grand escalier extérieur, aile moderne du musée

L’exposition Henri Matisse le musée : Sous les feux de la rampe donne l’occasion de renouveler le regard porté sur l’œuvre d’Henri Matisse, notamment à travers des lectures, concerts et représentations théâtrales.

Pièce de théâtre écrite en 1928 par Henry de Montherlant (1895-1972), Pasiphaé est le deuxième livre illustré par Henri Matisse en 1944. Le drame se déroule en Crête durant l’Antiquité. Il relate le conflit intérieur de la jeune reine Pasiphaé, épouse de Minos, qui, après avoir succombé au Taureau envoyé par Poséidon, donne naissance au Minotaure.

Henri Matisse : Mon second livre : Gravures sur lino. Un simple trait blanc sur fond absolument noir. Un simple trait, une hachure.

Libre inspiration de la tragédie écrite par Montherlant, le spectacle de Michel Herrmann, Pasiphaé, donne à voir et à entendre par des textes choisis et des illustrations musicales un moment du récit tragique de la reine Pasiphaé, d’après le livre illustré par Henri Matisse.

Réalisation et textes : Michel Herrmann. Interprètes : Ariane Alban, comédienne, Michelle Vuillaume, harpe, artiste professeur au Conservatoire National de Région de Nice, Brigitte Blondeau, violoncelle, professeur au CNR et les élèves de Georges Robert, professeur de musique de chambre au CNR : flûte, Elise Gastaldi, Vincent Bourgain ; harpe, Barbara Saragoussi, Daphné Millo ; violon, Matthieu Joubert ; alto, Yann Mercati ; violoncelle, Marie Grier. Compositeurs : J-S Bach, M. Marais, G. Fauré, C. Debussy, J. Ibert. Renseignements : Marie-Pierre Nicola, musée Matisse, 04 93 53 40 53, marie-pierre.nicola[at]ville-nice.fr

5 – Sur les Femmes de Montherlant, illustré par Henri Matisse, 1942

Montherlant (Henry de), Sur les Femmes

Avec 3 dessins d’Henri Matisse. Editions du Sagittaire, 1942 ; in-8°, couverture rempliée imprimée, titre en rouge, illustrée en noir ; 93 pp, 1f.nch. ; Tirage total à 1474 exemplaires numérotés, (n°729) parfait état, tampon “chantier de jeunesse française groupement n°16”. Un article de journal contemporain de l’édition de cette plaquette décrit celle-ci “Montherlant tué par les femmes”, écrit par Henri-François Rey avec un dessin de Raymons Castan.

Antiquités Duvert Martial. Crest. Téléphone : 33 (0)4 75 25 31 41. 90,00 €. http://www.livre-rare-book.com/, réf. 4561.

[MATISSE (Henri)] MONTHERLANT (Henri de), Sur les femmes. Avec 3 dessins d’ Henri Matisse

Sagittaire In 8°. Broché. Dos très légèrement bruni. Couverture rempliée, illustrée. Tirage à 1474 exemplaires numérotés. Un des exemplaires sur vélin de Navarre. Les 3 dessins d’Henri Matisse : 1 portrait sur la couverture, 1 portrait à pleine page et 1 portrait hors texte d’après les dessins originaux.

Librairie de l’Escurial. Nice (SLAM, ILAB). Téléphone : 33 (0)4 93 88 42 44. 70,00 €. http://www.livre-rare-book.com/, réf. 007136.

MONTHERLANT (Henry de), Sur les Femmes. Avec 3 dessins d’Henri Matisse

Editions du Sagittaire, 1942 ; in-8°, broché, couverture blanche rempliée imprimée en rouge et noir et illustrée en noir ; 93pp, 1f.nch ; étiquette de la Librairie Langaret à Riberac sur le repli du 1er plat ; quelques petites piqûres.1 portrait sur la couverture, 1 portrait à pleine page et 1 portrait hors texte d’après les dessins de Matisse.

Tirage total à 1474 exemplaires numérotés, celui-ci 1 des 1366 sur vélin Navarre. Edition originale. (GrG)

Livres Anciens N. Rousseau (SLAM, ILAB). Téléphone : 33 (0)2 48 20 15 45. 100,00 €. http://www.livre-rare-book.com/, réf. c3230.

6 – Matisse on art, Revised edition [University of California Press]

The major writings of Henri Matisse (1869-1954), with the exception of the letters, are collected here along with transcriptions of important interviews and broadcasts given at various stages of Matisse's career. Jack Flam provides a biography, a general introduction that addresses the development of Matisse's aesthetic values and theories, and a critical introduction for each text.

Jack D. Flam is Professor of Art History at Brooklyn College and the Graduate Center of the City College of New York and author of Matisse: The Man and His Art (1986) and Matisse: A Retrospective (1990).

Jack Flam. Text and illustrations by Matisse. ISBN : 9780520200326. July 1995. $36.95.

Il faut lire les pages 127 et 128 du chapitre 24, Montherlant : Listening to Matisse, 1938

7 – Vente chez Christie, mai 2011 [Christie's]

[MATISSE] – MONTHERLANT, Henry Millon (1895-1972). Pasiphaé. Chant de Minos (les Crétois). Gravures originales par Henri Matisse. Paris: Martin Fabiani, 1944.

In-4 (328 x 245 mm). Frontispice et 17 planches originales ainsi que des bandeaux de Henri Matisse. Maroquin noir signé Atelier Grossenbacher, plat supérieur orné d’une tête de taureau stylisée et mosaïquée, dos à nerfs, couverture et dos conservés, chemise de maroquin blanc, étui assorti. Provenance : Croix-Rouge suisse (envoi sur le faux-titre) – “Dix siècles de livres français” (ex-libris, exposition à Lucerne du 9 juillet au 2 octobre 1949, n° 309).

Un des 30 exemplaires de tête sur Japon ancien, tous signés par Matisse au justificatif, avec une suite de 12 planches supplémentaires sur Chine réservée aux exemplaires de tête. EXEMPLAIRE EXCEPTIONNEL, ENRICHI D’UN DESSIN ORIGINAL DE MATISSE EN FACE DU FAUX-TITRE (portrait de femme, dessin au crayon). Il contient également un double envoi signé de Matisse et de Montherlant au faux-titre. “A la Croix rouge Suisse qui protège nos enfants, à celui et à celle qui l’aident et recevront ce livre. Avec mes vœux et la reconnaissance, Henri Matisse, Vence août 1944.” TRÈS BEL EXEMPLAIRE. Duthuit 10 ; Rauch 169.

Price Realized : €61,000 ($88,004). Estimate : €40,000 - €60,000 ($57,168 - $85,752). Sale Information : SALE 1004 — IMPORTANTS LIVRES ANCIENS, LIVRES D'ARTISTES ET MANUSCRITS. 11 May 2011, Paris

8 – Vente chez Artcurial, 13 mai 2014 [Artvalue]

«2495», Livres et Manuscrits, Paris, mardi 13 mai 2014

Lot 231. MATISSE Henri, 1869-1954 (France). Titre : Henri de MONTHERLANT - PASIPHAE. CHANT DE MINOS (LES CRETOIS). Date : 1944. Categorie : Livres, Autographes. Média : in-4°, Set of 147: Engraving : in-4°, Suite de 147: Gravure

Estimation : 12.000 EUR - 15.000 EUR

9 – Vente chez Christie, 25 juin 2009 [Christie's]

[MATISSE] – MONTHERLANT, Henry de (1895-1972). Pasiphaé. Chant de Minos (les Crétois). Gravures originales par Henri Matisse. Paris : Martin Fabiani, 20 mai 1944.

Grand in-4 (328 x 250 mm). 50 gravures sur linoléum (18 à pleine page et 32 vignettes) sur fond noir et 84 initiales sur fond rouge de Henri Matisse. (Rares reports, infimes rousseurs.) En feuilles, sous couverture originale illustrée sur fond bleu, chemise et étui de l’éditeur.

Tirage limité à 250 exemplaires numérotés. Celui-ci un des 200 sur vélin d’Arches, signé par Matisse au justificatif (le n° 122). Garvey 198 ; Rauch 169 ; From Manet to Hockney 112.

Un exemplaire de la nouvelle édition de 1981 en deux volumes. (3)

Price Realized : €35,800 ($49,936). Estimate : €12,000 - €18,000 ($16,956 - $25,434). Sale Information : Sale 5597 – Bibliothèque littéraire d'un amateur parisien 25 June 2009, Paris

10-11-12 – In The Telegraph

Henri Matisse’s books : In 1944 Matisse also illustrated Henri de Montherlant’s Pasiphaë, Chant de Minos, a modern retelling of the classical story of Pasiphaë and the Minotaur. Picture : © Succession H. Matisse / DACS 2011

Henri Matisse’s books : In the story Pasiphaé is cursed with a passion for the bull. Driven mad with desire, Pasiphaé mates with the bull and gives birth to the half-bull, half-human creature known as the Minotaur. Picture : © Succession H. Matisse / DACS 2011

Henri Matisse’s books : Working with linoleum, a fairly easy material to use, Matisse cut many blocks of each image to achieve the perfect flow of line and relationship of forms. Intent on matching the spirit and ambience of the classic tale, Matisse took as his model ancient Greek blackground vase painting.

13 – Portrait d’Henry de Montherlant par Henri Matisse, 1942 [Art Gallery NSW]

En vente chez Art Gallery NSW. Henri Matisse (France, 31 Dec 1869 – 03 Nov 1954). Title : Henry de Montherlant, 1942. Media category : Print. Materials used : Lithograph. Edition : Bon à Tirer for the signed and numbered edition of 15. Dimensions : 27.3 x 20.0 cm sheet. Signature & date Signed l.r. sheet, ink “…/HM”. Not dated. Credit Purchased 1990. Accession number 469.1990. Copyright © Henri Matisse/Succession H. Matisse. Licensed by Viscopy, Sydney.

14 – Un Matisse lubrique, 15 septembre 1943 [ActuaLitté]

Par Julien Drouot, le mardi 05 juillet 2011

À travers la correspondance privée des plus grands peintres, le Musée des lettres et manuscrits donne à l’art des 19e et 20e siècle des couleurs inédites. Au fil de lettres touchantes où la petite histoire croise la grande, cinquante artistes nous ouvrent les coulisses de leur existence et de leur création.

Chaque semaine, ActuaLitté vous propose de découvrir un extrait de cette exposition. Aujourd’hui, Henri MATISSE (31 décembre 1869 Cateau-Cambrésis - 3 novembre 1954 à Nice). On pourra également retrouver le catalogue de l’exposition aux éditions Beaux Arts, Des Lettres et des peintres.

Lettre autographe de Matisse à Montherlant, datée du 15 septembre 1943 avec un dessin original, Vence.

Longue lettre avec un grand dessin occupant les deux tiers de la première page (180 x 210 mm), à la plume et encre bleue, représentant le “mur” de planches d’essai lui faisant face, à Vence dans son salon. “Voici le mur que j’ai devant moi nuit et jour. C’est l’illustration (et ses études) de P. [Pasiphaé] et du C. de M. [Le Chant de Minos] de H. de M. Les X indiquent l’illustration même (…) Pour l’accouplement il y a 12 planches. Pour la Pasiphaé étreignant l’olivier sur l’écorce duquel le taureau s’est frotté : il y a 4 planches etc. Il y a aussi 84 lettrines que j’ai dessinées et gravées imprimées en … rouge. Et je n’ai pas encore fini, je travaille encore la pl. du taureau que se donne joyeux quoique dominé par son destin à l’approche du bon moment (…).” Il se faisait un plaisir de voir Montherlant devant cet ensemble arrangé comme trois fenêtres, mais l’écrivain ne vient pas. Le peintre évoque le plaisir qu’il a eu hier à Nice, ville pleine de jeunes et jolies nymphes montrant de “belles jambes qu’on apercevait jusqu’où on veut d’un joli bronze cuivré rouge comme à Tahiti”. L’attitude de Montherlant - “vous l’intouchable” - a cependant servi Matisse “supérieurement pour une planche de Ch. de M. […] J’ai essayé 5 ou 6 planches de votre tête, de tempérament impétueusement chaud quoique dominé - mais je n’ai pu en être content car je suis resté tellement impressionné par votre expression affolée”.

15 – HENRI MATISSE : Writers on Paper, Selected Drawings and Prints from The Pierre and Tana Matisse Foundation [New York University]

Plusieurs (projets) de portraits de Montherlant.

16 – Matisse on Making a Portrait [Every Painter Paints Himself]

Matisse, Self-portrait (1937), charcoal on paper, National Gallery of Art, Washington, DC

In 1937 Henri Matisse made some charcoal portraits of Henry de Montherlant, a French playwright whom Matisse had met the year before. The artist’s account of the process is quite revealing. The issues which art historians traditionally assume to be important in a portrait – the personality and achievements of the sitter – were of no consequence to the artist. What dœs seem to have interested Matisse, though, is that the mind of a creator, whether artist, writer or scientist works in similar ways.

“Interested by Montherlant’s face, I asked him to pose for me, and during seven sessions I was able to make some drawings that were simply responses inspired by this face. An artist must be able to forget everything about the life and work of whœver poses for him… The whole time Montherlant posed, my reading of his work, which I love, was far from my mind ; I took into account only the original life in his expression in making his portrait. Our conversation was mainly commonplace. But we did talk about work – everyone who works as we do knows that it always gœs this way. When Pasteur and Rodin met at a party, they undertsood that each had exactly the same discipline in their work.”

1. John Klein, Matisse Portraits (Yale University Press) 2001, p. 139

Posted 27 Sep 2011 : Artists in general Matisse Portraiture

17 – L’angoisse qui s’amasse en frappant sous ta gorge (Pasiphaé) [Spaightwood Galleries]

L’angoisse qui s’amasse en frappant sous ta gorge (Fribourg 3, Musée Matisse Livres, pp. 36-39 ; full-page illustration, p. 133). Original linogravure on Arches, 1944. 230 impressions (plus 20 HC) for Henry Montherlant’s Pasiphae, Chant de Minos (Le Cretois) published by Martin Fabiani, Editeur. All of the portfolios were signed by Matisse and all of the blocks were cancelled after printing. Montherlant, a close friend of Matisse’s, was a distinguished novelist and critic. This is one of Matisse’s most important linocuuts and is illustrated in Henri Matisse : Gravures et lithographies, Musee d’art et d’histoire, Friboug (1982), p. 201. It is also illustrated in Alfred H. Barr, Jr., Matisse : His Art and Public (Museum of Modern Art, 1974). p. 494 and Matisse : L’Art du Livre (Nice : Musee Matisse, 1986), p. 133. Image size : 338x258mm. Price : $5000.

18 – Lettre de Matisse à Montherlant, 15 janvier 1945 [La Gazette Drouot]

Henri MATISSE à Montherlant

L.A.S., 15 janvier 1945, [à Henry de Montherlant] ; 2 pages in-8. “Cher ami, Je pense souvent à vous en me félicitant d’être peintre. Il y a quelques mois, ou quelques années, vous plaignez les peintres [et sculpteurs rayé] dont une partie de leurs œuvres, les plus importantes, peut disparaître dans un simple incident de guerre - Delacroix à l’incendie de l’H. de Ville de Paris en 70. Constatez que chacun a sa part de désastre à supporter”… Il le remercie de l’envoi de Fils de personne, puis aborde la vente de l’exemplaire de Pasiphaé par la Croix-Rouge Suisse : “le mieux serait qu’il soit dit chez les libraires et chez Fabiani qu’il y a un exemplaire à vendre pour la + R, qui serait donné au plus offrant”. Il se demande “si le produit de cette vente pourrait être offert à l’Orphelinat des Arts ainsi qu’au Dispensaire des artistes. Est-ce dans les cordes de la + R.” ; mais il raye les 9 lignes sur ce sujet, indiquant en marge : “Je renonce à cette idée”. Il ajoute pour finir : “Ici tout va pareillement et il a neigé ces jours-ci”.

19 – Lettre de Matisse à Montherlant, 12 novembre 1944 [La Gazette Drouot]

L.A.S., Vence 12 novembre 1944, [à Henry de Montherlant] ; 6 pages in-8. Belle et longue lettre sur son seul véritable amour, la peinture. {CR} Il est heureux de savoir “que vous travaillez tranquillement dans votre lit. C’est un endroit où on est toujours bien - même seul”… Il l’entretient du don à la Croix-Rouge Suisse d’un exemplaire sur Japon de Pasiphaé, “avec dessin sur le frontispice, tout pour faire des sous”, et d’autres volumes, par l’intermédiaire de Skira, pour une vente caritative… Puis il en vient au sort de sa femme et sa fille, arrêtées par la Gestapo au mois d’avril : “Ma femme, après 6 mois de prison à Fresnes a été libérée il y a un certain temps - elle n’a pas été brutalisée. Ma fille vient de rentrer de Belfort où elle a fait partie de 500 libérations sur 15000 qui sont allées plus loin. Elle a été torturée. Heureusement elle s’en sortira le médecin l’assure. Envers et contre tous je soutiens que les Allemands sont bien des Boches, des Brutes immondes !”… Il remercie Montherlant de l’intervention qu’il était prêt à faire auprès de Mme Micheli [déléguée en France de la Croix-Rouge Suisse] : “elle n’aurait probablement pas été acceptée parce que venant un peu de vous. Vous êtes, puis-je vous dire ?, détestée par Elles - n’avez-vous pas écrit que… etc. dans la préface des Lépreuses. Il n’y a généralement que les mots qui font peur”.{CR} Quant à lui : “Je suis toujours solide au poste, mais d’une façon mesurée - très mesurée, mais journalière. Toute mon attention est portée sur la préparation à ces 2 ou 3 heures de travail, l’après-midi, auxquelles je pense et je vais comme à un rendez-vous d’amour - d’amour, c’est vrai, car la peinture a été le seul véritable amour de ma vie. Je l’ai bien prouvé. J’ai quelques satisfactions grossières. Ainsi, il vient d’être vendu à l’Américain à Nice un tableau de 50 cm pour 710000 frs, au profit des victimes de la Guerre. Le travail me donne d’autres satisfactions plus subtiles, peut-être moins certaines, auxquelles se mêlent quelques illusions peut-être - mais c’est ce qu’il y a de plus excellent. Vous niez les choses de cet ordre pour mettre en avant de tout VIVRE avec votre flamberge au vent [croquis d’un phallus]. Vous en verrez bien le bout, et il vous en restera bien peu de souvenir. Je vous serre la main, en m’excusant de bousculer si facilement les usages, en me mêlant de vos affaires. Soyez tout simplement content, vous m’en verrez heureux”.

20 – Lettre de Matisse à Montherlant, 9 août 1944 [La Gazette Drouot]

L.A.S., Vence 9 août 1944, [à Henry de Montherlant] ; 3 pages et quart in-8. À propos de sa femme et de sa fille, Marguerite Duthuit, arrêtées par la Gestapo en avril 1944 pour faits de résistance.{CR} “Cher ami, fringuant cavalier ! Gobineau est gentil, vous aussi, je ne puis constituer le trio car pour moi : “Il y a le travail, puis rien”. J’ai simplifié. Vous y viendrez aussi ; peut-être comme Victor Hugo irez-vous cogner la nuit à la porte de votre bonne à laquelle vous répondrez : “C’est le vieux lion !” (chronique familiale). Enfin rigole qui peut en ce moment. Il y en a aussi qui dorment peu et ont des réveils pas gais. Rire quand on en a envie n’est rien, c’est mieux de rire lorsqu’on n’en a pas envie, dit Dickens dans Copperfield, je crois”, {CR} Puis il en vient aux nouvelles des siens : “Ma femme a été condamnée à 6 mois de prison signifiées le 1er juin. Comme elle y est depuis 25 avril, qu’elle est souffrante et a 72 ans, on espère qu’elle sortira bientôt ! Ma fille est à Rennes, depuis 4 mois, seulement il y a 15 jours, une dame de la + R., qui s’occupe d’elle, l’a écrit. - Pauvre femme. Dans quel état doit-elle être. Je me suis renseigné à Nice pour savoir où elle peut être en ce moment, car vous savez que Rennes… C’est la + R. Suisse qui peut le savoir car elle va faire les 2 camps. Pouvez-vous me rendre le grand service le très grand service de demander à Madame Micheli [déléguée de la Croix-Rouge Suisse en France] de s’en occuper”… Il donne l’adresse de la prison de sa fille, à la prison départementale de Rennes.{CR} Il a bien reçu le premier exemplaire de Fils de personne… “Je me relève d’une touche au foie qui m’a mis au lit 3 semaines. La Radio annonce ce matin une tentative de débarquement possible dans notre région qui est en effet assez bombardée tous ces jours-ci. À notre tour, et voilà. Je ne bouge pas, tant pis”.

21 – Carte postale de Matisse à Montherlant, 25 octobre 1944 [La Gazette Drouot]

L.A.S., Vence 25 octobre 1944, à Henry de Montherlant ; carte postale avec adresses au dos. Il a pu trouver une place pour Paris dans une auto : “j’en ai prévenu votre amie de Grasse (ndlr : Marguerite Lauze) qui m’avait prévenu de son grand désir d’y aller. Elle avait une place pour lundi matin à Cannes dans la voiture d’un ami, je l’en ai fait prévenir plusieurs jours à l’avance et elle n’avait pas donné de réponse, Dimanche soir. Je suppose qu’elle n’était plus chez elle et avait trouvé une occasion de partir quand mon mot est arrivé. Elle est peut-être à Paris”.

22 – Lettre de Matisse à Montherlant, 18 août 1943 [La Gazette Drouot]

L.A.S. “Henri” avec 4 dessins à la plume, 18 août 1943, [à Henry de Montherlant] ; 2 pages obl. in-8. À propos de Pasiphaé. Chant de Minos, avec gravures de Matisse (Fabiani, 1944). Montherlant verra l’ensemble de leur livre aussitôt que l’imprimeur aura composé la maquette avec les éléments définitifs qui sont en route sur Paris, et Matisse attire son attention sur le choix d’un titre pour l’introduction, et l’emplacement des notes. “J’espère que mon gros travail (pensez que je n’ai rien fait d’autre depuis que vous étiez à Nice - et que j’y ai pensé constamment. J’essaie en ce moment de m’en échapper) vous intéressera. Mais vous n’aurez pas tout vu de ce travail. Quand vous viendrez à Grasse, je vous en ferai voir bien davantage. C’est dire les études. À mon âge comme on ne sait jamais si on ne travaille pas à sa dernière œuvre, il faut la parfaire le plus possible. J’ai toujours fait pour le mieux, mais en me donnant d’autres raisons”. Il demande où trouver les “explications relatives à : 1° Les blessures des chiens deviennent des étoiles. (Il existe deux constellations celle du G. Chien et celle du Petit Chien, je le sais.) 2° Un enfant fugitif s’en va par les chemins. 3° Au large de la nuit il est d’étranges îles pleines de rois pleurants qui lèchent leurs morsures. Voulez-vous dire simplement pour ces derniers : il est des monarques solitaires qui souffrent comme de simples humains ?”… Suivent 4 petits dessins représentant des têtes cornues, dont un amusant autoportrait.

23 – Lettre de Matisse à Montherlant, 10 juin 1943 [La Gazette Drouot]

L.A.S., Nice 10 juin 1943, [à Henry de Montherlant] ; 4 pages in-4, la dernière avec encadrement décoratif au crayon rose. Très belle et amusante lettre, en partie sur la préparation de Pasiphaé. Chant de Minos, avec gravures de Matisse (Fabiani, 1944). Il a ri de bon cœur des aventures de Montherlant à Cimiez et à Rochechouart : “lorsque vous êtes parti de chez moi, vous étiez capable de toutes les étourderies”. Puis sur la photographe Laure Albin-Guillot : “Les photos de nus de Mme Debin-Guillot [sic] me font rêver, c’est plutôt votre façon d’en parler qui m’allume. Où peut-on voir ces nus. Est-ce cette dame qui habitait Grasse (Marguerite Lauze, NDLR) ainsi que votre esprit dernièrement, ce qui m’a bien peu servi pour ce que je devais faire avec quelques heures de votre présence physique et morale ?” Il voudrait la voir, “avec ses si belles photos”… Il a loué une villa à Vence pour se reposer : “Il y a 2 ans et 3 mois que je n’ai cessé de travailler excepté lorsque j’étais en crise vésiculaire, ou que je m’en réparais. Je pars sans papier, sans crayon - seulement avec Les Fleurs du Mal que je dois traduire en gravures. Je préférerais vivre avec Ch. d’Orléans - tout fini malheureusement ! Votre P [Pasiphaé] et Minos sont terminés, vous en verrez les gravures bientôt”. Matisse demande comment présenter la “préface conférence” et la note. Il faut patienter encore une quinzaine : “vous verrez du tout cuit. Et malgré que vous n’aimiez pas la gravure sur lino, vous serez probablement satisfait. Savez-vous que je n’ai pu arrêter d’y travailler ou d’y penser, nuit et jour, depuis que j’ai eu votre visite. 7 gravures pour Minos 7 pour Pasiphaé et une suite de 15 gravures en annexe au volume - gravures dites “refusées”. […] Auriez-vous l’éclat, la richesse de la lumière du diamant ? Je ne vous ferez pas attendre, à la dernière touche vous verrez la toute belle - et pourtant je n’en suis pas encore revenu comme vous m’avez balancé à votre dernier voyage”… Et de citer, en l’encadrant d’arabesques au crayon rose, un amusant petit poème d’après un manuscrit de la Bibliothèque Nationale : “Prenés en gré du manche de ma couille”… Et il ajoute : “(On ne me dit pas si c’est du Ch. d’Orléans). Pourquoi m’avez-vous écrit dernièrement que je devrais illustrer les poèmes chinois et persans. Les persans je les connais un peu par la trad. de Mardrus - mais les chinois où les trouver ? N.B. Allez-vous me croire la cervelle d’un vieillard obsédé - vous vous tromperiez énormément. Quand j’ai travaillé pour votre livre des groupes dans les constellations j’ai fait ça comme de l’architecture dans un paysage connu mais non regretté”.

24 – Lettre de Matisse à Montherlant, 18 octobre 1943 [La Gazette Drouot]

L.A., Vence 18 octobre 1943, [à Henry de Montherlant] ; 8 pages in-8. Longue lettre, fort leste, relative à l’édition de Pasiphaé suivi de Chant de Minos illustrée par Matisse (Fabiani, 1944). “Tenez-vous vraiment à ce que votre nom sur la couverture ne garde pas H. de. J’avais d’abord approuvé votre modestie ou votre assurance en approuvant leur suppression, mais ça me gêne bien pour la mise en page du titre”… Il égrène des prénoms et noms d’ÉCRIVAINS (Pierre Corneille, Jean Racine, René Descartes, Charles Baudelaire etc.) pour appuyer son objection. “Autre chose : je voudrais vous envoyer quelques gravures de Pasiphaé qui ne sont pas dans le livre. Puissent-elles, placées au bon endroit de votre b/foud/toir [Matisse a surchargé le mot] y rendre plus rapide la pente glissante du vice et contribuer à la réussite de vos attaques brusquées. Je blague car je crois que vous devez trouver un grand attrait aux bagatelles de la porte (style 1900). Si votre ardente, par les cheveux au moins, si votre savoureuse Moro n’a pas encore été mise “a mata”, vous la verrez à vos pieds prête à tout”… Il plaisante sur “les plantoirs de mes toros si bien aiguisés”, qui doivent faire de l’effet sur une femme, et décrit une affiche de Toulouse-Lautrec représentant une femme opulente s’approchant d’un lit où l’attend un homme, avec la légende : Le chocolat du Planteur ; il fait des recommandations pour encadrer et exposer ses 12 “gravures noires”, afin de faire effet “sur vos belles visiteuses, elles remplaceront les collections de miniatures persanes ou les érotiques japonais bien démodés, et si inexpressifs pour qui n’a pas perdu la tête à l’avance”… Il travaille à la perfection du livre, en particulier pour la couverture “en couleur, bleu primaire”, et a amélioré la maquette qu’il va envoyer à Fequet ; “mais comme j’y joindrai les originaux, les lino, je voudrais trouver un commissionnaire, un ami à Fabiani qui va souvent à Paris pour les lui confier. Pensez que je n’ai rien fait d’autre que votre livre depuis que vous êtes venu au Régina cet hiver”… Il a représenté Minos comme “un jeune homme bellâtre content de rien, de lui, et paré à la mode romaine ou plutôt tahitienne. Vous verrez que vous arriverez à l’admettre. N’ai-je pas le droit de profiter des images que mon imagination, bien portante, me présente, suis-je tenu à représenter l’âge de mes personnages ? […] J’ai voulu représenter le Minos comme il se voit dans mon sentiment”… Il a remplacé la planche de Phèdre, a supprimé “la capeline à plume […] Belle gravure mais pas à la hauteur de style du reste”… Il faudra faire fabriquer spécialement le papier à Arches, mais veut recevoir des essais pour “juger de sa qualité, de son épaisseur et de sa couleur - je la veux blanche très et non antique. Car ce livre et ce qu’il contient est neuf”…

25 – Lettre de Matisse à Montherlant, 2 juillet 1944 [La Gazette Drouot]

L.A.S., Vence 2 juillet 1944, [à Henry de Montherlant] ; 5 pages in-8. Très belle lettre. Il a une inquiétude sourde et des espoirs très vagues au sujet de son fils, dont la dernière lettre date du 2 juin. “Je n’ai d’autres distractions que celles de mon travail, de ma curiosité à son sujet jamais épuisée, mais avec la fatigue de nuits pénibles sans sommeil, que puis-je faire”… Il raconte la vie quotidienne de Vence, tranquille, mais marquée par quelques petits incidents : avis de suppression des radios, bobards contradictoires… Puis il s’enquiert de leur édition de Pasiphaé : “Je voudrais faire envoyer un vol. sur Japon à la + R.S. [Croix-Rouge Suisse] pour lequel je n’ai eu ici qu’une page de faux-titre sur laquelle je devais faire un dessin avec la dédicace. J’ai raté un dessin, ce qui m’oblige à recevoir une nouvelle feuille. Cette dernière est arrivée froissée. J’attends la suivante. Rien ne presse cependant car la vente en Suisse, pour attendre le meilleur moment, ne peut se faire qu’à l’automne. Mais où serons-nous, comme vous dites. Je suis toujours un peu blagueur, excusez-m-en. C’est avec ça que je me défends des choses contraires”… Il demande si cette Pasiphaé “nouvellement habillée en a jeté un peu dans votre milieu. Cocteau a-t-il eu l’occasion de vous en parler. Je dis Cocteau parce que c’est une couleur. Je pense beaucoup à mon travail, qui me console. Je l’aime beaucoup au fond. C’est le seul point solide que j’ai trouvé dans la vie - et puis c’est la chose qui ne trompe pas - surtout pour qui comme nous n’avons pas d’intermédiaire - je veux dire que, si nous ne comptons pas trop avec les autres, les contemporains, nous aurons ce que nous méritons. Nos œuvres sont nos meilleurs enfants”…

26 – Lettre de Matisse à Montherlant, 26 mars 1937 [ADER]

Henri MATISSE (1869-1954). L.A.S., Nice 26 mars 1937, [à Henry de Montherlant] ; 2 pages in-4 à l’encre violette.
Très belle lettre sur son portrait dessiné de Montherlant. 
Il a reçu les photos de son dessin, photographié par Vaux, et il se rend compte en le regardant qu’il y a “plusieurs traits inutiles et même nuisibles. Il s’agit de l’indication des cheveux. Après avoir été surpris par le plat du profil dont les bosses différentes ne portaient pas j’ai trouvé que mon dessin était complet avec le petit crochet qui fait suite au front et indique les cheveux – que les 5 petits traits qui ont été surajoutés pour expliquer davantage les cheveux ne font plus partie de la même sensation et détruisent l’expression du rythme général. Aussi je viens vous demander, le dessin vous appartenant, de bien vouloir me les laisser enlever. L’oreille aussi est de trop – elle arrête tout le mouvement de ma ligne dont le mouvement doit avoir la tenue et la vitesse de mouvement analogique à celle d’une mèche de fouet en mouvement. Vous voyez comme moi qu’une arabesque représentant un coup de fouet n’existe pas si elle ne contient pas le mouvement, elle devient une nouille tourmentée. Toute la vie de votre dessin vient du mouvement qui m’a été inspiré par votre profil. Tout de suite en regardant la photo après l’avoir analysé et le mouvement de votre profil me rappelle celui de Dante. Vous connaissez probablement cette analogie”… Il précise encore, en post-scriptum : “Ma phrase commence à la pointe des cheveux et finit à la pointe du maxillaire – étant donné d’authenticité de ceci, tout ce que j’avais ajouté le détruisait – et l’empêché de vivre dans l’espace représenté par ma feuille de papier”. Il ajoute : “Excusez ce français de peintre !”

27 – Lettre de Matisse à Montherlant, 18 mai 1938 [ADER]

Henri MATISSE. L.A.S., Nice 18 mai 1938, [à Henry de Montherlant] ; 4 pages in-4 (2 petites fentes réparées au ruban adhésif)
Longue et très belle lettre sur son travail de peintre, et sur leur projet d’une édition illustrée de Pasiphaé. Montherlant a porté en marge de la lettre 2 traits au crayon rouge, et 2 à l’encre avec la mention “vu”. 
L’article de Montherlant pour L’Art et les Artistes lui paraît très bien : “il m’a intéressé et m’a rappelé que lorsque je me suis félicité d’avoir fait la folie d’acheter des oiseaux, l’instinct du risque de mort était passé et que j’étais déjà sorti de l’ornière. Cette particularité change-t-elle quelque chose à votre idée ? Le dernier paragraphe de votre article me rappelle que j’ai tiré parti d’une parole de Courbet rapportée dans quelqu’une de ses biographies ; et quoique cette parole, prise au pied de la lettre me paraisse aujourd’hui pleine de danger, je lui ai quelque reconnaissance pour m’avoir bouleversé pendant plusieurs années. Elle m’a obligé à prendre conscience de mes moyens d’expression, et à les dissocier : j’ai fait des peintures sans dessins, m’obligeant à m’exprimer rien que par des taches de couleur, à leur trouver le rythme suffisamment expressif pour me décharger de mon émotion (époque de Boronali ! je vous expliquerai ceci quand nous nous verrons) – ou bien des dessins au trait qui sont une synthèse de toutes mes possibilités d’expression avec un minimum de moyens, tenant surtout de l’arabesque – ou bien encore, par des différences du Noir au Blanc, qui me portait à amortir la qualité de mes couleurs en les mélangeant avec leur contraire : le Rouge au Vert, le Bleu à l’Orange. C’est je vous assure une longue expérience qui a des risques terribles. J’en retiens principalement qu’elle pose le travail dans les conditions les plus rudes, ce que j’ai toujours aimé. Les œuvres qui viennent d’un travail aussi dur, vous tiennent plus au cœur que celles qui sortent facilement, après précisément une période d’effort. Celles-ci vous fuient à peine exprimées, comme l’oiseau qui vous lâche pour toujours aussitôt que vous lui avez ouvert la cage”… Il viendra à Paris l’été : “Il est toujours agréable à un solitaire comme moi de bavarder de ce qui fait sa vie habituelle avec quelqu’un qui veut bien l’écouter”. Ils parleront aussi d’un éditeur pour Pasiphaé. “Je suis toujours dans mon Sémaphore, j’en souffre, car en ce moment nous subissons une période de vents dont les courants le traverse dans tous les sens. […] Pendant mes heures d’insomnie on vient de me relire Atala. En vous écrivant il me revient que malgré toute mon admiration je ne pourrais illustrer ce livre qui comme les vôtres n’a pas besoin d’être complété. Mais je tiens toujours pour Pasiphaé”.

28 – Lettre de Matisse à Montherlant, 5 janvier 1941 [ADER]

Henri MATISSE. L.A.S., [Nice, clinique] St Antoine 5 janvier 1941, [à son “ ami” Henry de Montherlant]
Avant son départ pour Lyon où Matisse se fera opérer d’un cancer. 
”Je leur glisse des pattes et je pars demain à Lyon où j’espère être devant des gens qui m’inspireront plus de confiance – et en l’espèce la confiance est un point important pour un bon résultat. Ces messieurs d’ici, avaient fini par me faire perdre le sourire, et l’avant-dernière nuit je me suis senti un trou de peur dans l’estomac. – J’ai aussitôt changé mes batteries et grâce à ma fille et à d’heureuses coïncidences j’ai pu me dégager et prendre la décision qui m’a rendu le sourire et l’élan pour la Victoire. Je voudrais bien vous serrer la main (5 minutes, j’ai beaucoup à faire)”…

29 – Lettre de Matisse à Montherlant, 15 janvier 1941 [ADER]

Henri MATISSE. L.A.S., Lyon Clinique du Parc 15 janvier 1941 5 heures du matin, à son “cher ami” [Henry de Montherlant]
Dans l’attente de l’opération de sa tumeur cancéreuse. 
”Dans un moment de ma longue nuit d’insomnie il me revient dans l’œil que je vous ai écrit au sujet de la sérénité extraordinaire que j’éprouve, que je pense à Socrate tout prétention gardée. C’est un lapsus je voulais écrire toute proportion gardée – j’aurais pu écrire si j’avais vu ce que ma plume écrivait toute prétention exclue. Je pense que vous m’avez cependant compris. – J’attends ! J’attends l’heure comme un voyageur dans une gare attend son train – après avoir vu mes médecins qui sont des personnages importants j’ai tout lieu de croire que je vais m’en tirer – avec un minimum de risques. – J’ai 71 ans c’est vrai mais tous mes organes valent mieux que mon âge, et puis j’ai encore à faire ici-bas – et j’espère que ça compte”… 


30 – Lettre de Matisse à Montherlant, 7 avril 1944 [ADER]

Henri MATISSE. L.A.S., Vence “vendredi 4 ? ou 5” [7] avril 1944, à son “cher ami” [Henry de Montherlant]
Au sujet d’une soirée de bienfaisance, et de leur livre illustré Pasiphaé, Chant de Minos. 
La soirée n’aura pas lieu au Théâtre-Français au Soulier de Satin mais dans “une soirée mi-musicale et mi-littéraire au Groupe la Pléiade”, touchant l’éditeur Gallimard. “C’est l’abbé Barret vicaire d’Antibes qui est allé pour Bonnard et pour moi à Paris, en passant par Vichy où il a pu obtenir une recommandation du Maréchal pour mon ami Cortot le virtuose. Je m’en remettrai à Cortot pour continuer mon initiative”… Vichy vient de lui téléphoner à ce sujet : “J’ai répondu : tout, pour faire le plus d’argent possible. L’abbé va vous voir de ma part – mais je vous demande déjà de bien vouloir donner 2 petits quarts d’heure pour nos petits enfants qui grelottent, dépourvus des facilités les plus élémentaires pour vivre normalement dans leurs lieux de refuge. Vous accepterez certainement de m’aider dans notre initiative, car vous aimez les enfants au point de vous faire lapider par la foule en exprimant votre amour d’une façon peu courante, mais directe. (J’ai lu Marie Claire). Je compte sur vous ?”… 
Leur livre [Pasiphaé. Chant de Minos] paraîtra début mai. “Comme Fequet avait les foies pour la couverture, et qu’elle m’avait envoyé une épreuve à sa façon tellement différente de ce que je veux, j’ai fait le méchant pour qu’on m’envoie le papier à Nice où je le ferai tirer par celui qui m’a déjà fait des essais satisfaisants. – Révolution de Palais : un imprimeur de luxe de Paris cédant le pas à l’imprimeur de L’Éclaireur de Nice – pensez donc. J’ai tenu bon, et la cousine de Madame Lydia passant par Paris a rapporté les 50 k. de papier et Mad. Lydia vient de partir le chercher à Nice. Maintenant j’ai l’entière responsabilité de la couverture – et je suis pourtant à Vence souvent au lit – je suis très étonné de ce qu’on peut faire au lit, avec un téléphone, lorsqu’on a conservé un peu de sang. Fabiani vient me faire signer le livre sans l’avoir vu, j’exige qu’on me l’envoie d’abord. – C’est ainsi que j’ai pu obtenir de faire faire la couverture ici – en menaçant de ne pas signer. Il paraît que tout ça fait épatant à Paris, où tout le monde doit être énervé et courir comme des rats empoisonnés. Fais bien ce que tu fais ! avant tout”…



Note

Pour d’autres informations sur Henri Matisse : https://www.artsy.net/artist/henri-matisse