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Articles sur Montherlant (hors presse)

33. Henry de Montherlant vu par Robert Brasillach (1909-1945)

“L’écrivain qui a écrit Les Célibataires
a pris l’assurance la plus certaine contre la vieillesse et l’oubli.”
(Brasillach)

“Montherlant est un drôle de bonhomme.”
(Brasillach)

“Je n’ai que des ennemis à l’Action Française.”
(Montherlant)

1. Qui est Robert Brasillach ?

 
 

Robert Brasillach.

Robert Brasillach, est né le 31 mars 1909 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), et meurt fusillé pour intelligence avec l’ennemi le 6 février 1945 au fort de Montrouge, à Arcueil (Seine ; aujourd’hui Val-de-Marne). Il est un écrivain, journaliste et critique de cinéma français, également connu pour son activité collaborationniste pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ancien élève du lycée de Sens où il a pour professeur Gabriel Marcel, Robert Brasillach est, après trois ans de classe préparatoire littéraire au lycée Louis-le-Grand, — où il côtoie Maurice Bardèche, Thierry Maulnier, Paul Gadenne, — admis à l’École normale supérieure en 1928, période qu’il décrira longuement dans les premiers chapitres de Notre avant-guerre, livre de mémoire écrit en 1939-1940. Il assura une chronique littéraire dans le quotidien L’Action française et dans L’Étudiant français durant la première moitié des années 1930.
Auteur de l’entre-deux guerres et de la Seconde Guerre mondiale, il fut, de 1937 à 1943 (période entrecoupée d’une captivité en Allemagne de 1940 à 1941, suite à sa mobilisation comme officier et à la défaite française), rédacteur en chef de l’hebdomadaire Je suis partout, dans lequel il laissa transparaître sa haine des Juifs, du Front populaire, de la République, et, sous l’Occupation, son admiration du IIIe Reich.
En 1943, il cède sa place à Pierre-Antoine Cousteau (frère de Jacques-Yves Cousteau), collaborateur plus militant, à la tête de l’hebdomadaire. Persuadé de la justesse de ses idées comme au premier jour, Brasillach est paradoxalement évincé à cause de sa constance : fasciste convaincu, il réclame un fascisme à la française, qui soit allié au nazisme mais qui ne soit pas un simple calque ; partisan de la victoire de l’Allemagne, il la juge de moins en moins probable et refuse de mentir en l’annonçant comme certaine à un public qui n’y croit plus.
Son destin fut donc tragique, car il avait parié sur l’Allemagne et sur la Collaboration. Il fut arrêté et emprisonné en 1945. Défendu par Maître Isorni, son procès dura une après-midi, et il fut un des rares grands intellectuels français à être condamné à mort et exécuté. Malgré une tentative désespérée d’un grand nombre d’ intellectuels français pour le sauver du peloton, le Général de Gaulle, peut-être sous la pression des communistes, refusa de le gracier, et Brasillach fut fusillé. Il eut une attitude courageuse et très digne durant son procès et le jour de l’exécution le 6 février 1945.
Il meurt âgé de 35 ans. Il faut lire le livre de son avocat Maître Isorni (Le Procès de Robert Brasillach, chez Flammarion 1946) qui relate remarquablement les quelques heures du procès.
Isorni assistera l’écrivain jusqu’à son exécution.
On reprochait principalement à Brasillach une collaboration intellectuelle avec l’Allemagne, la direction jusqu’en 1943 de la revue Je suis partout, et des articles violemment antisémites.

Le Procès de Brasillach

 

Robert Brasillach devant la cours d'assises de la Seine
le 19 janvier 1945.

 

Dans le livre Le Procès de Robert Brasillach écrit par Jacques Isorni, on peut déterminer quels furent les chefs d’accusation à l’encontre de l’écrivain qui après jugement et condamnation à mort, le menèrent au poteau d’exécution. Isorni ne connaissait pas Brasillach avant de le défendre. Il le voit pour la première fois au parloir de la prison de Fresnes en ocrobre 1944.
Isorni décrit Brasillach : “Les longues journées de détenu, il les passait à lire et à écrire, la plupart du temps assis par terre. (…) Il partageait sa celule avec un conseiller municipal, brave homme sans culture (…) C’est en prison que Brasillach est devenu le poète retenu par la postérité. Il remettait à Maître Isorni ses poèmes recopiés de sa petite écriture en pattes de mouches sur les feuilles quadrillées d’un carnet d’écolier(…). Le poème pouvait alors commencer “sa course clandestine”. Mais en cellule, Brasillach travaillait aussi à son procès. Il le “préparait comme un oral de concours”. Brasillach ne voulait pas se renier, il voulait rester lui-même. “Il ne ressentait que pitié ou quelquefois même un peu de tristesse à l’égard d’autres (inculpés) qui croyaient forcer le sort au prix d’abandons publics et qui ont perdu, tout à la fois, la vie et la face.”
L’Instruction n’avait comporté qu’un seul interrogatoire, affirme Maître Isorni. Les pièces du dossier étaient constituées par les articles de Brasillach qui ne contestait pas en être l’auteur. Il se passa trois mois avant que le procès soit fixé au 19 janvier 1945. Personne ne se souciait de l’envoyer à la mort. Brasillach et son avocat refusèrent de citer des témoins, dont certains avaient été sauvés de la déportation ou de l’exécution par les Allemands grâce à Brasillach, mais celui-ci se refusa de demander le prix du service rendu à ceux qu’il avait permis de sauver.

“Le Président de la Cour d’Assises désigné d’office était le conseiller Vidal, et le Commissaire du gouvernement un Monsieur Reboul. Derrière la Cour d’Assises, il y a une petite salle réservée aux prévenus. Brasillach attendait là. Il était un peu blanc. Autour de son cou, il avait noué un foulard de grosse laine rouge, et peut-être était-ce cette couleur vive qui lui donnait un teint si pâle. Les gardes ne lui avaient pas retiré les menottes. J’étais sans doute aussi pâle que lui. Nous nous sommes serré la main. Mais à cet instant, nous n’avions plus rien à dire. A treize heures, il pénétrait dans le box des accusés. A dix-huit heures, il était condamné à mort.” (Isorni).
Un pourvoi en Cassation ayant été rejetté. Brasillach ne crut plus à la possibilité d’une grâce du général de Gaulle. François Mauriac et Thierry Maulnier se dépensèrent sans compter pour essayer de le sauver, et firent circuler une pétition signée par de nombreux académiciens, d’illustres savants, des peintres, des musiciens, et des prélats. Beaucoup en effet ne pouvaient accepter la mort de ce grand intellectuel de 35 ans.

Exposé résumé des faits reprochés à Robert Brasillach par l’Accusation en novembre 1944

  1. Ecrivain politique d’une extrême violence, Brasillach a fait avant la guerre de nombreuses conférences au cours de réunions placées sous l’égide de groupements d’extrême-droite notamment de l’Action française et du Cercle Rive Gauche.
  2. En mai 1940, il a été inquiété et entendu dans l’affaire contre l’hebdomadaire Je suis Partout. Cet organe a été interdit et ses dirigeants Charles Lesca et Alain Laubreaux, inculpés d’atteinte à la Sûreté extérieure de l’Etat, ont été internés.
  3. Sorti des camps de prisonniers militaires en Allemagne après l’armistice - il était lieutenant de l’armée française- Brasillach a repris ses fonctions à Je suis Partout jusqu’en juillet 1943. (Brasillach expliquera sa rupture de 1943 avec Je suis Partout par le fait que l’écroulement du régime mussolinien en juillet 43 lui parut être le signal d’un effondrement correspondanr de la puissance allemande dans un délai plus ou moins lointain. Il se serait opposé alors à " bourrer le crâne " de ses lecteurs en leur faisant croire que tout allait pour le mieux dans le camp de l’Axe.)
  4. Après Je suis Partout, il donne des articles à Révolution Nationale, à l’Echo de la France, puis à La Gerbe
  5. Outre ses fonctions de journaliste, Brasillach était conférencier. Il prit la parole à Magic City le 3 mai 1942 à une réunion organisée par Je suis Partout, où après avoir fait une revue de la presse d’avant-guerre et déclaré que seuls, Je suis Partout, Gringoire, Candide et L’Action Française avaient eu le courage de dire la vérité ; il ajoutait, après une violente attaque contre le " ramassis " appelé Cabinet où figuraient Blum, Cahen-Salvador, Zay, Mendès-France, que : “Nous étions un vieux pays que l’abject régime républicain et la pourriture démocratique décomposaient, alors que d’autres peuples naissaient à la vie”…
  6. Brasillach a estimé qu’il fallait être pour la collaboration dans la dignité car c’était tout simplement le seul moyen pour les Français de s’en tirer. Il préconisait la suppression du parlementarisme et de la franc-maçonnerie, demandait un statut pour la jeunesse, soutenait la collaboration des classes sociales, l’accomodement à la France de ce qu’il y a de plus profitable dans les expériences étrangères…qu’elles soient allemandes, italiennes ou espagnoles. Il réclamait dès lors une révolution nationale et sociale en action.
  7. Il fit deux voyages en Allemagne, l’un en 1941 au congrès international de Weimar, en compagnie de dix autres écrivains français, l’Amiral Darlan lui avait demandé de représenter son pays, l’autre en juin 1943 où de Brinon lui demanda de l’accompagner à destination des cantonnements de la Légion française antibolchevique.
  8. Brasillach reconnait avoir eu avec les Allemands des contacts intellectuels, notamment avec l’organisme de censure allemand la Propagandastaffel et avec l’Institut Allemand. Au début de 1943, il occupa un siège d’administrateur à la Librairie Rive Gauche sise 47 Boulevard Saint Michel à Paris. La principale mission de cette librairie était la propagande allemande sous toutes ses formes tant en France que parmi les prisonniers en Allemagne.
  9. Le Reich attachait un grand prix à sa puissance de polémiste, à sa force persuasive et à l’utilisation de l’immense ascendant que son rayonnement d’écrivain lui avait permis d’acquérir sur une partie de l’opinion publique française, et en particulier sur la jeune génération.
  10. Tous les thèmes de propagande allemande, qu’ils soient établis de longue date comme d’essence nationale-socialiste ou nés des nécessités guerrières, trouvent chez lui un écho immédiat dans la centaine d’articles publiés de 1941 à 1943 et que l’accusation lui oppose d’un bloc. L’accusation va citer au procès des extraits de dizaines d’articles anti-communistes, antisémites, anti-anglais, anti-américains et anti-russes. L’accusation lui reproche ensuite d’avoir attaqué sans relâche, sur le plan intérieur, tous les éléments de résistance de la Nation, ceux-là même sur qui s’acharnait la Gestapo.

Le but de cet article n’étant pas de détailler le procès Brasillach, la défense de l’écrivain face aux griefs de l’accusation, son attitude le jour de son exécution, nous renvoyons le lecteur à l’importante bibliographie en fin d’article. Rappelons cependant ceci :
En septembre 1944, sa mère ayant été arrêtée, Brasillach se constitue prisonnier auprès de la Préfecture de police de Paris. Il est emprisonné à la prison de Fresnes et poursuivi pour intelligence avec l’ennemi. Son procès s’ouvre le 19 janvier 1945 devant la cour d’assises de la Seine. Il est condamné à mort le jour même après une délibération de vingt minutes. Sa défense avait été assurée par Jacques Isorni, lequel fut également, quelques mois plus tard, avocat du maréchal Pétain.
Dans les jours qui suivirent, une pétition de 50 artistes et intellectuels renommés, parmi lesquels Paul Valéry, Paul Claudel, François Mauriac, Daniel-Rops, Albert Camus, Marcel Aymé, Jean Paulhan, Roland Dorgelès, Jean Cocteau, Colette, Arthur Honegger, Maurice de Vlaminck, Jean Anouilh, André Barsacq, Jean-Louis Barrault, Thierry Maulnier, etc, demanda au général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, la grâce du condamné à mort. François Mauriac fut un des derniers à parler au Général de Gaulle pour essayer de lui arracher la grâce de Brasillach. Mais le général choisit de ne pas commuer la peine prononcée, ce qui entraîna l’exécution de la sentence, et à la date du 6 février 1945 suivant, Brasillach fut fusillé au fort de Montrouge.
Bien des biographes s’interrogent sur les raisons ayant poussé le général de Gaulle à laisser exécuter Robert Brasillach. Selon les témoignages successifs de Louis Vallon et de Louis Jouvet, qui l’interrogèrent sur le sujet, de Gaulle aurait vu dans le dossier de Brasillach la couverture d’un magazine le montrant sous l’uniforme allemand. Il y aurait eu une confusion avec Jacques Doriot. Jean Lacouture, qui rapporte cette rumeur, ne croit pas à cette interprétation. Il penche pour l’hypothèse d’une concession faite aux communistes pour pouvoir être plus ferme sur d’autres points.
“[…] Le général de Gaulle a écouté Mauriac, et a refusé la grâce. Quoi qu’il en pensât, de Gaulle ne pouvait s’opposer à toutes les exigences des communistes qui constituaient un tiers du pouvoir, sinon davantage. Ils exigeaient la tête de Brasillach, qui avait conduit bien des leurs au poteau. Je pense que de Gaulle a fait la part du feu. […]”
Toutefois, dans le fonds de Gaulle déposé aux Archives nationales, on a retrouvé une note relative à l’“affaire Brasillach” dressant une liste des charges pesant sur l’écrivain. Parmi elles, il est présenté comme “un des responsables de l’assassinat de Mandel”, personnalité dont il demandait régulièrement la mise à mort dans son journal Je suis partout et pour laquelle de Gaulle éprouvait estime et respect.
Robert Brasillach fut inhumé au cimetière de Charonne, dans le XXe arrondissement de Paris. .
Brasillach fut aussi un grand critique spécialiste du cinéma. Il est en effet très tôt fasciné par le cinéma : de 1922 à sa mort, il rend compte avec enthousiasme de l’actualité cinématographique. Le fruit de cette passion, outre de nombreuses chroniques dans les journaux, est son Histoire du cinéma, publiée pour la première fois en 1935 et qui fera l’objet d’une nouvelle édition en 1943 en collaboration avec son beau-frère Maurice Bardèche. Contrairement aux critiques de l’époque, Brasillach adopte sur le cinéma un point de vue politiquement neutre, si l’on excepte quelques rajouts antisémites de circonstance en 1943. Sa soif de cinéma l’amène à fréquenter assidûment Henri Langlois au Cercle du cinéma. Bien qu’enthousiaste à propos des classiques (Charles Chaplin, Georg Wilhelm Pabst, René Clair, Jean Renoir…) et des films hollywoodiens (John Ford, Frank Borzage, King Vidor, etc.), il fait preuve de goûts originaux et montre une insatiable curiosité pour le cinéma étranger. Il est ainsi le premier à parler en France du cinéma japonais et notamment de Yasujiro Ozu, Kenji Mizoguchi et Heinosuke Gosho. En prison, il travaillait à la troisième édition de son Histoire du cinéma et préparait une adaptation de Falstaff, qu’il espérait tourner avec Raimu.

 

2. Brasillach critique de Montherlant

On a quelques textes de Brasillach sur Montherlant. Ces écrits sont notamment :

  1. Montherlant : l’héritier de Barrès
  2. Les Célibataires : un roman balzacien
  3. Les Jeunes filles : une gloire de mauvais aloi
  4. L’Equinoxe de septembre : Journal de mobilisation
  5. Montherlant : un hobereau des lettres

Ces cinq textes, précédés d’une préface de Pierre Sipriot, furent réunis dans un petit ouvrage publié à 500 exemplaires en 1985 par L’Inédit grâce à Madame Suzanne Bardèche-Brasillach. Dans son introduction, Sipriot montre que Montherlant n’était pas un militant, ni un homme de parti, ni un antisémite ; il s’est tenu à l’écart de la gauche et de la droite, préférant consacrer son temps et son énergie à son œuvre ; par contre Brasillach est un homme engagé qui va miser sur le mauvais cheval. Il sera un militant anti-républicain, persuadé qu’il devait éclairer l’opinion publique, ce qui le fera prendre position en faveur des Allemands, comme Rédacteur en chef de Je suis partout. Il déteste les Juifs et n’hésite pas à encourager leur persécution et même leur disparition. 

Détails de ces textes :

1. Montherlant : l’héritier de Barrès

Quelques extraits : Il s’agit d’un écrivain (Montherlant) qui a tellement sacrifié à son temps qu’il en portera toujours la marque”… “Parmi les critiques les plus sévères, il en est toujours pour avoir quelque indulgence à l’égard de ce méchant garçon”… “La littérature de M. de Montherlant nous semble une fantaisie du même ordre qu’une danse nouvelle et que la longueur des robes”… “Son mérite le plus évident, et son charme, est d’être dans une littérature souvent énervée, un être encore viril. Sa tendresse est une tendresse virile, et sa dureté aussi”…“Ses thèmes les plus chers : l’amitié, la guerre, le sport, la mort”… “Faiseur de splendide musique, héritier de Barrès et cela dit tout”.

2. Les Célibataires : un roman balzacien (1934)

Quelques extraits : Les Célibataires constituent à ce jour l’œuvre la plus achevée qu’ait écrite M. de Montherlant…” “Ce roman est tout simplement le meilleur de l’année… C’est un écrivain qui aime à heurter. De là, sans nul doute, les exaspérations qu’il fait naître, les haines qu’il suscite, et les jalousies…” Tantôt M. de Montherlant a usé de la période romantique et barrésienne, et tantôt d’un style qui rappelle singulièrement le grand style du XVII ème siècle. Ici, c’est du second dont il s’agit. Grand style, par la noblesse, l’allure royale. Mais aussi par la verdeur, la négligence qui convient, la bonne odeur de terre et de campagne, avec ses mots provinciaux, ses expressions anciennes. Et rien du pastiche, rien de l’archaïsme voulu… Nous nous sentons, cette fois tout à fait conquis. L’écrivain qui a écrit Les Célibataires a pris l’assurance la plus certaine contre la vieillesse et l’oubli…

3. Les Jeunes filles : une gloire de mauvais aloi (1936)

Les incartades de Montherlant n’empêcheront jamais que nous prenions plaisir à son étrange liberté d’allures, comme les folies qu’il peut écrire sur la guerre et la paix ne nous empêcheront pas de nous souvenir qu’il a donné d’admirables images du combat…” Personne comme Montherlant n’avait traduit encore cet ennui quotidien de l’homme accablé par une femme bavarde ou même silencieuse, des “sorties” où l’on ne sait que faire, des repas au restaurant, des soirées interminables, et de tout ce que l’on subit parce qu’il est plus difficile de dire que l’on s’ennuie, tout simplement.

4. L’Equinoxe de septembre : Journal de mobilisation (1938)

Quelques extraits : Montherlant est un magnifique écrivain d’humeur et c’est un des rares prosateurs qui nous ait vraiment révélé l’après-guerre…Montherlant est un drôle de bonhomme…Engagé volontaire, réformé à la suite de graves blessures, Montherlant mérite qu’on l’écoute lorsqu’il nous parle du combat…Dans ces pages stupéfiantes, on lit le plus profond, le plus sincère regret que la guerre n’ait pas eu lieu. Cette guerre, Montherlant, qui en était honorablement exempté, nous dit qu’il aurait bien pu trouver le moyen de la faire. Nous n’en doutons pas ! Mais nous savons, il nous le dit, qu’il l’aurait faite “par goût et fantasia”. Depuis quand le goût personnel, la fantasia sont-ils une justification suffisante au massacre de ceux qui préfèrent d’autres distractions ?

5. Montherlant : un hobereau des lettres

Quelques extraits : M. de Montherlant est une sorte de hobereau des lettres, et il traite chacun avec une importance de caste tout à fait amusante. Nous n’avons jamais caché notre admiration pour son talent magnifique. Service inutile, Mors et vita, Encore un instant de bonheur, La Relève du matin, contiennent des pages qui sont l’honneur des lettres françaises. Mais je connais peu d’ouvrages plus exaspérants que L’Equinoxe de septembre et la fameuse série des Jeunes filles qui a connu auprès des abonnées de journaux de mode une gloire de bien mauvais aloi. Montherlant publie les lignes que l’on aime, puis il les commente, les renie, les explicite, envoie des communiqués à la presse, se carre dans une attitude insupportable, fait de lui le centre du monde. Les journaux satiriques l’appelaient jadis M. Soi-même de Montherlant. Mais nous n’avons pas tellement d’hommes, tellement de vertu, au sens viril et ancien de ce mot, dans les lettres contemporaines, pour que nous ayons à faire la petite bouche. Il faut dire tout de suite que, par tout un ensemble de qualités rares et de défauts également rares, M. de Montherlant est un des écrivains d’aujourd’hui qui fait la figure la plus fière et la plus attirante.

3. Ecrits de Robert Brasillach sur Montherlant

  • Montherlant 1923, in L’Action française, 6 novembre 1930
  • Henry de Montherlant, Encore un instant de bonheur, L ‘Action française, 3 mai 1934
  • Causerie littéraire, Henry de Montherlant, Les Célibataires, L ‘Action française, 28 juin 1934
  • Pasiphaé, L’Action française, 21 mai 1936
  • Littérature pas morte (A propos des Jeunes filles), in Revue universelle, 1er septembre 1936
  • Henry de Montherlant, L’Equinoxe de septembre, L’Action française, 29 décembre 1938
 

Un autre écrit de Brasillach qui parut dans Le Petit Parisien le 22 décembe 1943, fut inséré par Montherlant dans sa Pléiade Théâtre, et plus précisément à la page 14 dans la note datée de 1954 qui était un commentaire sur sa pièce L’Exil, première pièce écrite par Montherlant.
Voici ce qu’écrit Brasillach en 1943 : Je suis toujours étonné qu’on n’analyse pas plus longuement sa première œuvre dramatique (de Montherlant), L’Exil, composée à dix-huit ans. Outre une monstrueuse adresse tehnique (L’Exil est très supérieur à La Reine morte), cet ouvrage me paraît, en pleine adolescence, donner la clef de tout ce qui suivra. Il est malheureux que les divers aspects du sujet n’en permettent guère la représentation, hormis peut-être pour un cercle restreint, tant il y a de scènes dures qui risquent de choquer. Mais j’avoue mettre L’Exil en un très haut rang, au même rang que Service inutile et Mors et Vita
Pour avoir voulu insérer cette critique de Brasillach, Montherlant montrait qu’il y était sensible et reconnaissait les qualités de son jeune confrère. Le fait d’avoir retenu comme unique texte de Brasillach un écrit datant de 1943 montre aussi une certaine sympathie pour celui qui avait affronté très seul, un peu victime expiatoire, le Tribunal de l’Epuration, sa condamnation à mort et le peloton d’exécution du 6 février 1945.
Comment ne pas citer dès lors cette phrase de Montherlant : En quelque tribunal qui soit au monde, il suffit de voir les têtes des juges pour savoir que l’accusé est innocent (Malatesta, drame écrit par Montherlant en 1944). Mais Montherlant ne figurait pas dans la liste des 50 qui avaient sollicité auprès de de Gaulle via Mauriac un recours en grâce pour Brasillach. Ce n’est pas étonnant, vu qu’à cette époque, Montherlant faisait aussi l’objet d’une instruction qui fut classée sans suite. Montherlant ne connut donc ni procès ni prison, mais observa certainement avec effroi et la plus grande attention la terrible partie jouée par Brasillach avec les juges épurateurs qui le condamnèrent à mort après un interrogatoire d’une seule après-midi ! Si Louis-Ferdinand Céline avait été arrêté en France en 1944,- il avait trouvé refuge au Danemark avec sa femme et son chat - on peut être certain qu’il y passait aussi, ses écrits ayant surpassé en violence et en hystérie, surtout ceux de son obsession antisémite, de très loin ceux de Brasillach !

4. Oeuvres de Robert Brasillach 

  • Présence de Virgile, 1931
  • Le Voleur d’étincelles, roman, 1932
  • Le Procès de Jeanne d’Arc, texte établi et préfacé par Robert Brasillach [sélection de textes], 1932, réédité en 1998 aux Éditions de Paris, collection “Classiques”, avec une présentation de François Bluche
  • L’Enfant de la nuit, 1934
  • Portraits. Barrès, Proust, Maurras, Colette, Giraudoux, Morand, Cocteau, Malraux, etc., 1935
  • Histoire du cinéma, 1935 (en collaboration avec son beau-frère Maurice Bardèche)
  • Le Marchand d’oiseaux, 1936
  • Animateurs de théâtre, R. A. Corréa, 1936
  • Les Cadets de l’Alcazar, Plon, 1936
  • Léon Degrelle et l’avenir de “Rex”, Plon, 1936
  • Comme le temps passe…, Plon, 1937
  • Pierre Corneille, Fayard, 1938
  • Les Sept couleurs, Plon, 1939
  • Histoire de la guerre d’Espagne (avec Maurice Bardèche), Plon, 1939
  • Notre avant-guerre, Plon, 1941
  • La Conquérante, Plon, 1943
  • Poèmes, Balzac, 1944
  • Les Quatre Jeudis, Balzac, 1944

Publications posthumes 

  • Poèmes de Fresnes, Minuit et demi, 1945
  • Lettre à un soldat de la classe 60. Les Frères ennemis, Le Pavillon noir, 1946
  • Chénier, La Pensée française, 1947
  • Anthologie de la poésie grecque, Stock, 1950, réédité en 1995 au Livre de Poche
  • Lettres écrites en prison, Les Sept Couleurs, 1952
  • Six heures à perdre, Plon, 1953
  • Bérénice, théâtre (drame), Les Sept Couleurs, 1954, joué pour la première fois en 1957
  • Journal d’un homme occupé, Les Sept Couleurs, 1955
  • Poètes oubliés, Emmanuel Vitte, 1961
  • Dom Rémy, Les Sept Couleurs, 1961
  • Commentaire sur La Varende, 1962
  • En marge de Daphnis et Chloé, 1963
  • Nouvelle prière sur l’Acropole, 1963
  • Écrit à Fresnes, Plon, 1967
  • Une génération dans l’orage, Plon, 1968
  • Vingt lettres de Robert Brasillach, Emmanuel Vitte, 1970
  • Abel Bonnard, 1971
  • Les Captifs, roman inachevé, Plon, 1974
  • Le Paris de Balzac, 1984
  • Hugo et le snobisme révolutionnaire, 1985
  • Montherlant entre les hommes et les femmes, 1985
  • Fulgur, roman collectif, 1992
  • La Question juive, articles de Brasillach et Cousteau, 1999
  • Relectures Robert Brasillach, 2002

(Cette liste est non exhaustive)

Son beau-frère Maurice Bardèche assura la direction de publication, au Club de l’Honnête Homme, des Œuvres complètes (expurgées) en 12 tomes, de 1963 à 1966.

5. Bibliographie de Robert Brasillach

  • Maurice Bardèche, Souvenirs, Buchet-Chastel, Paris, 1993
  • Anne Brassié, Robert Brasillach ou Encore un instant de bonheur, Robert Laffont, Paris, 1987 - réédité en 2006 par l’Association des Amis de Robert Brasillach (A.R.B.)
  • Pierre Sipriot (dir.), Brasillach et la génération perdue, Éditions du Rocher, 1987 - Hommage collectif (dont Jean Anouilh, Maurice Bardèche, Jean Guitton, Fred Kupferman, Anne Brassié, Dominique Desanti, Thierry Maulnier et Jean-Marc Varaut)
  • Philippe d’Hugues, Brasillach, collection “ Qui suis-je  ? ”, Éditions Pardès, 2005
  • Pierre-Marie Dioudonnat, Je suis partout, 1930-1944 : les maurrassiens devant la tentation fasciste, La Table Ronde, Paris, 1973
  • Jacques Isorni, le Procès de Robert Brasillach (19 janvier 1945), Flammarion, 1946
  • Alice Kaplan, Intelligence avec l’ennemi : Le procès Brasillach, Gallimard, 2001 (publication originale : The Collaborator : The Trial and Execution of Robert Brasillach, University of Chicago Press, 2000)
  • Michel Laval, Brasillach ou la trahison du clerc, Hachette, Paris, 1992
  • Pascal Louvrier, Brasillach, l’illusion fasciste, Perrin, Paris, 1989 (préface d’Alain Griotteray)
  • Jean Madiran, Brasillach, Nouvelles Éditions latines, 1959
  • Henri Massis, le Souvenir de Robert Brasillach, Éditions Dynamo, Liège, 1963
  • Pierre Pellissier, Robert Brasillach… le maudit, Denoël, 1989
  • Robert Poulet, Robert Brasillach, critique complet, coll. “ Brimborions ”, 186, Dynamo-Pierre Aelberts, Liège, 1971
  • Luc Rasson, Littérature et fascisme : Les romans de Robert Brasillach, Minard, Paris, 1991
  • Pol Vandromme, Robert Brasillach, l’homme et l’œuvre, Plon, 1956.
  • Pierre-Marie Dioudonnat “ Je suis partout ” (1930-1944). Les maurrassiens devant la tentation fasciste, éd. La Table ronde, 1973, rééd. 1987 ; Les 700 rédacteurs de “ Je suis partout ”, éd. SEDOPOLS, 1993

6. Liste des intellectuels qui ont signé la demande de recours en grâce de Robert Brasillach. Cette liste comprend les noms suivants :

  • Paul Valéry
  • François Mauriac (Académie française)
  • Georges Duhamel (Secrétaire de l'Académie française)
  • Henry Bordeaux (Académie française)
  • Jérôme Tharaud (Académie française)
  • Jean Tharaud (Académie française)
  • Louis Madelin (Académie française)
  • Paul Claudel
  • Émile Henriot
  • André Chevrillon (Académie française)
  • Louis, prince de Broglie (Académie française)
  • Auguste, duc de La Force (Académie française)
  • Georges Lecomte (Académie française ; président de la Société des gens de lettres)
  • Amiral Lacaze (Académie française)
  • Maurice, duc de Broglie (Académie française)
  • Patrice de La Tour du Pin
  • Pierre-Henri Michel
  • Jean Paulhan
  • Jacques Copeau
  • Thierry Maulnier
  • Mgr Bressolles
  • Firmin Roz (de l'Institut)
  • Emile Dard (de l'Institut)
  • M. Bouteron (de l'Institut)
  • Germain Martin (de l'Institut)
  • Émile Bréhier (de l'Institut)
  • Pichat (de l'Institut)
  • Pierre Janet (de l'Institut)
  • Jordan
  • Lalande
  • Jacques Bardoux (de l'Institut)
  • Jacques Rueff
  • Charles Rist (de l'Institut)
  • André Buisson (de l'Institut)
  • Henri Pollès
  • Jean Schlumberger
  • Roland Dorgelès (de l'Académie Goncourt)
  • Mme Simone Ratel
  • Jean Anouilh
  • Jean-Louis Barrault (sociétaire de la Comédie-Française)
  • Claude Farrère
  • Jean-Jacques Bernard
  • Georges Desvallières (de l'Institut)
  • Jean Cocteau (de l'Académie Mallarmé)
  • Jen Effel
  • Max Favalelli
  • André Billy (de l'académie Goncourt)
  • Wladimir d'Ormesson
  • Marcel Achard
  • Albert Camus
  • André Obey
  • Gustave Cohen (professeur à la Sorbonne)
  • Paul Heni Michel
  • Arthur Honegger
  • Daniel-Rops
  • Vlaminck
  • Marcel Aymé
  • Colette
  • André Barsacq
  • Gabriel Marcel
  • André Derain
  • Louis Latapie
  • Jean Loisy
  • Charles Dullin

7. Sources de l'article

  • Montherlant entre les hommes et les femmes, avec préface de Pierre Sipriot, Editeur L’Inédit avec Madame Suzanne Bardèche-Brasillach, 1985
  • Article sur Brasillach dans wikipedia
  • Le Procès de Robert Brasillach par Jacques Isorni, chez Flammarion, 1946
  • Divers articles rédigés par Brasillach dans l’Action Française, dans la Revue Universelle et dans le Petit Parisien sur Montherlant
  • Pléiade Théâtre de Montherlant, N.R.F., page 11, 1958